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CAA de BORDEAUX, 4ème Ch., 05/10/2021, 20BX03015

Introduit par la loi de finances pour 2016, l’article 220 quindecies du code général des impôts (« CGI ») prévoit un crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants musicaux au bénéfice des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés exerçant l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants au sens de l’article L. 7122-2 du code du travail.

Pour rappel, l’octroi de ce crédit d’impôt met en jeu une procédure spécifique avec un double agrément accordé par le ministre chargé de la culture (aujourd’hui indirectement via le Conseil National de la Musique) après avis d’un comité d’experts : un agrément provisoire attestant que le spectacle remplit a priori toutes les conditions exigées pour bénéficier du crédit d’impôt et un agrément définitif, délivré ex-post dans un délai de trente-six mois à compter de la délivrance de l’agrément provisoire et attestant que le spectacle considéré a rempli effectivement les conditions prévues par les textes.

Au cas particulier, une société, qui exerce l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants et qui a produit la tournée d’un groupe de musique, a sollicité, le 5 mars 2018, auprès du ministère de la culture, le bénéfice d’un agrément provisoire en vue d’obtenir le crédit d’impôt prévu par l’article 220 quindecies du CGI.

Par une décision en date du 20 décembre 2018, le ministre chargé de la culture a refusé la délivrance de l’agrément au motif que la société n’était pas l’employeur de l’artiste principal du spectacle. Saisi d’une demande d’annulation de cette décision, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de la société requérante et enjoint au ministre chargé de la culture de délivrer l’agrément par un jugement en date du 7 juillet 2020.

Saisie de l’affaire en appel, la Cour administrative de Bordeaux se range à l’analyse du ministre et annule le jugement de première instance. Pour la Cour, à supposer que la condition d’employeur, que doit remplir l’entrepreneur de spectacles vivants envers le plateau artistique en vertu du I de l’article 220 quindecies du CGI, n’implique pas nécessairement l’engagement de la totalité du plateau artistique, la responsabilité du spectacle implique, en revanche, que l’entrepreneur de spectacle participe à la création du spectacle aux côtés des auteurs, compositeurs, chorégraphes et metteurs en scène et qu’il soit ainsi responsable du choix, de la préparation et de la mise en œuvre de ce spectacle dont il coordonne les moyens financiers, humains, techniques et artistiques nécessaires. Or, conclut la Cour, « l’entrepreneur de spectacle ne peut être regardé comme étant le responsable dudit spectacle si l’artiste principal du spectacle n’est pas placé dans une situation de subordination à son égard ».

Si l’article 220 quindecies du CGI prévoit expressément que l’entreprise doit avoir la responsabilité du spectacle et notamment celle d’employeur à l’égard du plateau artistique, l’interprétation de la Cour selon laquelle l’emploi du plateau artistique engloberait nécessairement celui de l’artiste principal, n’a rien d’évident et suscite de sérieuses interrogations.

Exiger l’emploi de l’artiste principal par le producteur néglige les hypothèses où l’artiste, participant activement à l’organisation de la tournée, acquiert lui-même la qualité d’organisateur de spectacle justifiant son inscription au registre du commerce (directement ou via une société), laquelle est exclusive de la présomption de salariat.

Dans cette hypothèse, et à supposer que l’artiste participe effectivement aux risques financiers de la tournée, on comprend mal le fondement du refus du bénéfice du crédit d’impôt au producteur ou aux coproducteurs, toutes autres conditions du dispositif étant par ailleurs remplies.

Il est vrai que l’économie concernant les éléments factuels de l’affaire – propre au caractère objectif de la procédure du recours pour excès de pouvoir – ne facilite pas l’appréciation de la portée de l’arrêt (le degré de participation à l’organisation de la tournée et les modalités de rémunération de l’artiste principal n’étant pas évoqués) mais la solution, si confirmée, pourrait introduire une incertitude notamment quant à l’éligibilité au crédit d’impôt de certains schémas, y-compris de coproduction.

Par ailleurs, l’on peut légitimement s’interroger sur la transposabilité de la solution en présence de d’artistes européens dès lors que l’article L. 7121-5 du Code du travail écarte expressément la présomption de salariat prévue à l’article L. 7121-3 pour les artistes reconnus comme prestataires de services établis dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de prestation de services, à titre temporaire et indépendant.

Autrement dit, une entreprise française souhaitant s’associer les services d’un artiste établi dans l’Espace économique européen qui y exerce son métier sous un statut de travailleur indépendant n’est pas tenu de le salarier. Refuser l’octroi du crédit d’impôt au producteur dans une telle hypothèse pourrait potentiellement entraîner des questions concernant l’eurocompatibilité du dispositif.

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