Cass. Com. n°21-10.051, 22 juin 2022
L’arrêt rendu par la Cour de cassation vient mettre un terme définitif à la saga judiciaire de la marque L’ÉQUIPE et confirme une position ferme quant à l’usage sérieux d’une marque dont la fonction essentielle est de garantir l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée.
Pour mémoire dans cette affaire, la société L’Équipe, titulaire de la marque française L’ÉQUIPE déposée en classes 16, 25, 28, 38 et 41, avait assigné en contrefaçon le titulaire de la marque EQUIP’SPORT, désignant différents produits et services dans les classes 25, 28 et 41. La société défenderesse avait demandé reconventionnellement la déchéance, pour défaut d’usage sérieux, de la marque L’ÉQUIPE, pour tous les produits et services.
Le litige s’est alors cristallisé sur la question de la déchéance prononcée à l’encontre des services de la classe 41 (éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles).
Pour justifier de l’usage sérieux de la marque pour cette classe de services, la société L’Équipe faisait valoir l’usage de la marque dans divers évènements sportifs dont une course à pied dénommée « 10 kms L’Équipe » organisée par une société partenaire, Amaury Sport Organisation.
La Cour d’appel de Colmar, confirmant le jugement, avait retenu la déchéance de la marque en classe 41, aux motifs que l’association de la dénomination L’ÉQUIPE avec la manifestation sportive appelée « Les 10 kms L’Équipe » relevait d’une opération de communication publicitaire et ne constituait pas la preuve d’un usage de la marque conformément à sa fonction essentielle.
La Cour de cassation n’avait alors pas suivi les juges du fond, en retenant que ceux-ci avaient procédé par voie d’affirmation, sans indiquer les raisons pour lesquelles, l’usage de la marque L’ÉQUIPE pour désigner la manifestation sportive dénommée « Les 10 kms L’Équipe » ne permettrait pas au public d’identifier cette manifestation sportive en la distinguant d’autres manifestations du même genre.
Saisie sur renvoi, la Cour d’appel de Nancy avait confirmé la déchéance après avoir rappelé que la question posée n’était pas de savoir si le signe L’ÉQUIPE est utilisé pour désigner un événement sportif mais si cet usage était un usage à titre de marque pour désigner un produit ou service, ici une activité sportive, commercialisé par son titulaire ou une personne autorisée.
La société L’Équipe forme un nouveau pourvoi qui est rejeté par la Cour de cassation. La Cour retient un usage promotionnel de la marque L’ÉQUIPE relevant de ses activités de presse et média dans le cadre du contrat de parrainage sportif, lequel ne démontre pas en revanche un usage sérieux de la marque L’ÉQUIPE pour les activités sportives et culturelles, ni pour les activités, présentées comme similaires, d’éducation, de formation, de divertissement et culturelles.
La Cour confirme l’analyse de la Cour d’appel de Nancy selon laquelle, par l’autorisation donnée à la société ASO d’utiliser le terme L’ÉQUIPE comme titre de l’épreuve les « 10 km de l’Équipe » et dans la documentation qui accompagne, la société L’Équipe réalise bien un usage de sa marque.
Cependant, selon la Cour, le titulaire de la marque réalise alors une opération de publicité pour son activité de presse et de média dans le cadre d’un contrat de parrainage sportif, mais ne désigne pas une activité sportive.
En l’absence de communication par la société L’Équipe du contrat la liant à Amaury Sport Organisation, la Cour confirme la distinction opérée par la Cour d’appel de Nancy entre un contrat de licence de marque et un contrat de parrainage sportif car, dans le dernier cas, le titulaire de la marque finance l’organisation de la manifestation sportive en contrepartie de la possibilité d’apposer sa marque pour en faire la promotion. Par un tel contrat, le titulaire de la marque assure la publicité de sa marque pour les produits ou services qu’il développe (en l’espèce les activités de presse et médias) et non pour désigner et garantir l’origine d’une manifestation sportive qu’il organiserait ou qui serait organisée par un tiers, ce dernier fût-il intégré au même groupe de société.
Enfin, la circonstance que la marque donne son nom à l’épreuve sportive est jugée comme ne modifiant pas l’économie générale du contrat de parrainage qui exclut par sa nature même l’idée d’un usage de marque conforme à sa fonction essentielle.
Ainsi, le contrat de parrainage sportif (sponsoring) à vocation publicitaire, ne permet pas pour le titulaire de démontrer un usage de la marque autre que pour ses activités principales sans pouvoir revendiquer l’usage qui en est fait par le sponsorisé pour ses propres activités.