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United States District Court, E.D. Virginia, Alexandria Division, 3 août 2010, Rosetta Stone Ltd / Google Inc.

Le service de liens commerciaux « Adwords » proposé par la société Google a fait l’objet d’une jurisprudence importante au cours de l’année 2010.

Ainsi, un arrêt rendu par la CJUE le 23 mars 2010 est venu préciser notamment que le titulaire d’une marque ne peut interdire la réservation et l’utilisation par un annonceur d’un mot clé identique ou similaire à sa marque (ce mot clé permettant le renvoi vers un site proposant des produits ou services identiques ou similaires à ceux du titulaire de la marque), sauf à démontrer que cet usage constitue une atteinte à la fonction de la marque notamment de garantie d’origine et ainsi, ne garantit pas ou sinon difficilement à l’internaute que les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci.

Cette solution a été reprise par la Cour de cassation, laquelle a rendu quatre arrêts le 13 juillet 2010 cassant les arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris condamnant Google pour contrefaçon de marques.

Outre-Atlantique, l’utilisation par un annonceur d’une marque dont il n’est pas titulaire est également débattue, ainsi que l’illustre, par exemple, l’arrêt rendu par la Cour de Virginie.

En l’espèce, un éditeur de logiciels invoquait une atteinte au droit sur sa marque du fait de la pratique d’enchères de mots-clés proposée par Google Inc. dans le cadre du service Adwords. A ce titre, la Cour rappelle la politique de marque révisée en 2009 par Google Inc. : Google autorise l’utilisation d’une marque par toute personne (et donc par une personne n’étant pas le titulaire de la marque concernée) au sein de l’annonce publicitaire (et non simplement comme mot-clé) contenant le lien commercial dès lors que la vente des produits concernés se fait dans un cadre licite et que l’annonce n’a pas pour effet de fournir un message qui pourrait être considéré contraire au principe de concurrence (« non-competitive information »).

Dans le cadre de son analyse, la Cour a recherché si la pratique de Google était de nature à entrainer une confusion dans l’esprit du consommateur au regard de trois critères distincts : (1) l’intention de Google, (2) l’existence effective d’une confusion et (3) l’intérêt et la connaissance du consommateur pour le produit/service concerné.

S’agissant du premier critère, la Cour relève que le service Adwords n’a pas pour objet de proposer à la vente les produits de Google (« Google-made products »). Au contraire, la Cour relève que le schéma économique de Google consiste à proposer à des annonceurs un service de liens commerciaux qui se doit d’être attractif. La Cour en conclut que tout argument selon lequel Google essaierait de vendre ses propres produits au mépris de ceux du demandeur est infondé.

Dans le même esprit, la Cour indique que même s’il est exact que Google profite financièrement de ce système de mots-clés (« higher click-through rates »), Google a tout intérêt à ce que son service ait « bonne presse » et n’entraine pas de confusion dans l’esprit du public, au risque de voir le trafic diminuer sur son site. Cette position en apparence pragmatique permet à la Cour de retenir que Google ne peut avoir une quelconque intention de générer une confusion dans l’esprit des internautes.

Dans le cadre de l’analyse du deuxième critère, la société Rosetta Stone tentait de démontrer que le service avait effectivement créé une confusion auprès d’internautes qui auraient acheté des produits contrefaits et qui auraient témoigné en ce sens.

La Cour indique néanmoins que la confusion a été générée, non pas en raison des liens commerciaux établis par Google, mais par la nature même des sites sur lesquels les victimes se sont fournies.

Enfin, s’agissant du troisième critère, la Cour relève que le public concerné par les liens commerciaux doit être limité aux potentiels acheteurs des produits concernés. A ce titre, la Cour précise que le niveau d’intérêt et de connaissance du produit par le consommateur (« sophistication ») est un critère important dans l’appréciation du risque de confusion.

A ce titre, la Cour indique que les consommateurs qui seraient prêts à débourser une somme importante pour un logiciel spécialisé voudront, préalablement, s’informer utilement sur le produit qu’ils prévoient d’acheter. Ainsi, cette analyse (« expertise and sophistication ») est de nature à leur permettre de distinguer eux-mêmes les liens sponsorisés des autres résultats pouvant figurer dans le cadre du référencement naturel.

La Cour considère que le demandeur ne justifie donc pas que le service Google Adwords était générateur d’un risque de confusion.

Ainsi, en Europe comme aux Etats-Unis, le service de liens commerciaux semble être validé par la jurisprudence : le simple fait de permettre à un annonceur d’utiliser comme mot-clé une marque dont il n’est pas titulaire, pour faire la promotion licite de ses produits et/ou services, n’est pas de nature à engager la responsabilité de Google. Le choix du mot-clé devra néanmoins être analysé avec précaution par l’annonceur, lequel devra veiller à ce que son utilisation du service de liens commerciaux se fasse licitement et loyalement.

Olivier HAYAT

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