Johnny Halliday a autorisé la société Legal à utiliser sur des emballages de cafés son nom, sa signature et une photographie le représentant, qui avait déjà été utilisée en couverture de l’un de ses albums.
La question qui s’est posée devant la Cour de cassation était de déterminer si en donnant à Legal l’autorisation d’utiliser une photographie qui avait déjà servi pour l’illustration de la pochette de l’un de ses albums, Johnny Halliday avait réalisé une prestation de mannequin. Selon l’article L7123-2 du code du travail : est considérée comme exerçant une activité de mannequin, toute personne qui est chargée:
– Soit de présenter au public directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel un produit, un service ou un message publicitaire ;
– Soit de poser comme modèle.
Cette affaire avait déjà été portée une première fois jusqu’en cassation. La Cour de cassation avait déclaré qu’en retenant simplement l’absence de subordination, la Cour d’appel de Rouen avait statué par des motifs impropres à détruire la présomption de salariat attachée à la qualité de mannequin. L’arrêt de la cour d’appel de renvoi retient que le contrat entre Johnny Halliday et la société Legal doit être considéré comme un contrat de mannequin et qu’en conséquence la rémunération versée au chanteur doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations salariales et soumises aux charges sociales. La cour d’appel de Caen (voir netcom juillet 2012) affirme que la participation active de Johnny Halliday à la présentation du produit peut résulter du simple fait qu’il ait donné à la société l’autorisation d’utiliser une photographie qui avait déjà servi pour l’illustration de la couverture de l’un de ses albums.
La société Legal se pourvoit en cassation, et soutient que l’article L7123-2 du code du travail impose expressément, par la référence à « l’activité » de mannequin, l’exécution d’une prestation pour le compte de celui qui l’emploie. Elle précise que si la présomption d’existence d’un contrat de travail pour les mannequins subsiste notamment quelle que soit la qualification donnée au contrat par les parties, il n’en demeure pas moins que doit être établie l’existence d’une « prestation de travail » exécutée par le mannequin pour le compte de son employeur et en vue d’assurer la présentation de l’un de ses produits. Or, Johnny Halliday a seulement autorisé la société Legal à utiliser son nom, sa signature et sa photographie, il n’a ni posé, ni tourné de film publicitaire, et le cliché utilisé avait été réalisé avant la signature du contrat et utilisé en couverture d’un de ses derniers albums.
La deuxième chambre civile rejette les moyens présentés et confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Caen.
La Cour de cassation estime que la notion de « prestation » est inopérante s’agissant de la qualification de contrat de travail de mannequin dès lors que l’image et le nom d’un artiste sont utilisés pour assurer la promotion d’un produit en s’appuyant sur la notoriété de l’artiste. Ainsi, l’utilisation sur un support visuel de publicité d’une photographie faite antérieurement et sa fourniture par celui qui figure sur la photographie ne seraient pas à elles seules des éléments de nature à détruire la présomption de salariat.
Cet arrêt surprend car il est difficile de comprendre en quoi le fait de céder le droit sur une photo préexistante représentant l’image d’une personne connue comporte une activité de mannequinat. C’est en l’espèce principalement la notoriété du chanteur qui était utilisée sans qu’il n’ait aucune participation active à la présentation du produit.
Cependant, en l’espèce, le contrat de cession d’une image préexistante était conclu par Johnny Hallyday directement. L’on peut penser que si la cession du droit d’utiliser la photographie illustrant l’album de l’artiste avait été consentie par une société titulaire du droit de reproduction de cette œuvre, les articles du code du travail n’auraient pas été jugés applicables.
Il n’en reste pas moins que l’absence de reconnaissance par la Cour de cassation d’un véritable caractère patrimonial de l’image est contraire aux pratiques professionnelles. Chacun a en tête les publicités utilisant l’image de Fernandel, de Louis de Funès ou de Bernard Blier. Comment imaginer que l’utilisation de l’image des grands acteurs ne soit pas protégée après leur mort mais que les sommes versées à leurs héritiers soient qualifiées de salaire.
Il convient toutefois de noter que la Cour de cassation n’a pas souhaité donner à cet arrêt une valeur de principe. En effet, cet arrêt ne sera pas publié au bulletin.
Eve PIWNICA