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Cass. Com., 6 décembre 2023, n° P 20-18.653.

La revente d’occasion de produits marqués demeure une problématique à laquelle les titulaires de marques ne peuvent pas toujours s’opposer en vertu des principes de libre circulation des marchandises et d’épuisement des droits du titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, sauf motifs légitimes.

L’arrêt commenté fournit une réponse détaillée aux différentes hypothèses rencontrées dans de telles circonstances.

En l’espèce, le titulaire d’une marque de renommée, s’opposait à la revente d’occasion de divers produits cosmétiques revêtus de sa marque, consistant i) dans des échantillons destinés à la démonstration aux consommateurs portant la mention « Ne peut être vendu », ii) des produits usagés ou dont les emballages avaient été ôtés et iii) des produits à l’état neuf.

Le titulaire engage une action pour atteinte à sa marque sur plusieurs fondements, d’une part, à l’encontre du particulier qui avait acheté les produits cosmétiques de la marque auprès d’un revendeur agréé, et qui s’était vu offrir les échantillons portant la mention « Ne peut être vendu » et d’autre part, à l’encontre de la société qui les revendait après les avoir achetés auprès de ce particulier.

Les juges du fond déboutent le titulaire de la marque de ses prétentions à l’encontre du particulier aux motifs que le titulaire de la marque ne peut évoquer son droit exclusif que dans le contexte d’une activité commerciale. Les dispositions des articles L.173-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle précisent que les droits conférés au titulaire d’une marque sont applicables à sa protection pour un « usage dans la vie des affaires », ce qui n’est pas le cas d’un consommateur détenant licitement des produits et les revendant d’occasion.

L’action à l’encontre de la société revendeur des produits est en revanche accueillie et le liquidateur judiciaire de la société forme un pourvoi en cassation.

Plusieurs moyens sont invoqués au soutien du pourvoi, lesquels sont tous écartés par la Cour de cassation.

Le premier moyen avait trait à la notion de mise dans le commerce s’agissant d’échantillons marqués « ne peut être vendu » Le revendeur faisait valoir que la fourniture par le titulaire de la marque, ou avec son consentement, d’échantillons de produits à un consommateur, à titre gratuit, dans le but de faire la publicité des mêmes produits, constitue une mise dans le commerce au regard du but commercial poursuivi. Dès lors, selon le revendeur, la règle de l’épuisement des droits devait s’appliquer. La Cour rejette le moyen en se fondant sur la jurisprudence de la CJUE dans l’affaire L’Oréal (arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a.,C-324/09), selon laquelle la fourniture par le titulaire d’une marque, à ses distributeurs agréés, d’objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, destinés à être données aux consommateurs en tant qu’échantillons gratuits, ne constitue pas, en l’absence d’éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la directive 89/104 ou du règlement n° 40/94.

Le deuxième moyen portait sur le grief relatif à la revente de produits usagés ou dont les emballages avaient été ôtés. La question posée à la Cour portait sur la notion d’altération. Le revendeur reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu une atteinte alors qu’en application de la règle de l’épuisement des droits, le titulaire de la marque ne peut s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation que s’il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits. Le revendeur soutenait que l’altération des produits s’entend d’une dégradation de leurs qualités, qui ne peut se déduire automatiquement de leur simple utilisation. La Cour rejette ce moyen en retenant que « s’agissant de parfums et de produits cosmétiques, toute utilisation partielle d’un produit conduit à son altération, laquelle est gravement préjudiciable à l’image de la société titulaire de la marque et à l’univers de luxe et de pureté qu’elle véhicule. Dès lors, le titulaire de la marque est fondé à s’opposer à tout acte de commercialisation d’un produit cosmétique et de parfumerie dont il n’a pas été établi qu’il n’ait jamais été utilisé au préalable ».

Le troisième moyen portait sur la condamnation du fait de la revente de produit neufs. Dans ce cas, la cour d’appel avait constaté que le revendeur avait licitement acquis le produit litigieux auprès du particulier qui l’avait lui-même licitement acheté à un membre du réseau de distribution sélectif.

La cour d’appel avait toutefois condamné le revendeur sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme au motif qu’il ne devait pas concurrencer la vente de produits neufs, dont le réseau de distribution sélective a l’exclusivité. La Cour d’appel avait en effet jugé que la pratique consistant à comparer les prix par l’apposition sur l’emballage, de son prix de revente en comparaison de celui du produit neuf consistait dans un comportement fautif constitutif de parasitisme et d’une atteinte au réseau sélectif de vente. Le revendeur faisait valoir que i) des produits d’occasion, même d’état neuf, n’appartiennent pas au même marché que des produits neufs équivalents, ii) ne constitue pas une concurrence déloyale, ni un parasitisme, le simple fait pour un revendeur de produits d’occasion, même d’état neuf, de présenter une comparaison avec le prix des produits neufs équivalents ou de s’appuyer sur la renommée de la marque desdits produits, qu’il a licitement acquis.

La Cour écarte le moyen en retenant que le comportement fautif était caractérisé par le fait que le dirigeant de la société revendeur invitait les clients potentiels à tester les produits chez le revendeur agréé situé dans la même galerie avant de revenir les acheter dans sa boutique où il les vendait moins cher.

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