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CE 31 mai 2024, n° 489370

Pour rappel, en principe, les non-résidents ne sont pas soumis à l’impôt en France sur les gains provenant de la vente à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux (CGI art. 244 bis C).

A titre d’exception, et sous réserve des dispositions contraires des conventions fiscales, les éventuelles plus-values sont imposables par voie de prélèvement libératoire si le cédant non-résident a détenu, à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la cession, seul ou avec son groupe familial, directement ou indirectement, plus de 25 % des bénéfices sociaux de la société dont les droits sont cédés (CGI art. 244 bis B). Pour les cédants non-résidents personnes physiques, le taux du prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu est fixé à 12,8 % sans possibilité d’option pour le barème progressif.

Si le taux d’imposition est identique au taux forfaitaire applicable aux plus-values des particuliers résidents (CGI art. 200 A, 1 A-2°), un résident peut, s’agissant des titres détenus antérieurement au 1er janvier 2018, opter pour le barème progressif ce qui peut aboutir à une taxation moins onéreuse grâce à l’application des abattements pour durée de détention (abattement de 50% à 85 % selon les cas).

Or, l’administration considère que les non-résidents ne peuvent pas bénéficier des abattements pour durée de détention du fait de l’impossibilité pour un non-résident d’opter pour le barème progressif (BOFiP-RPPM-PVBMI-20-20-10-§ 10-25/05/2023, remarque 2).

Estimant que les dispositions de l’article 244 bis B du CGI, en raison de leur caractère libératoire et de l’absence d’option pour le barème progressif, peuvent entraîner une charge fiscale plus lourde pour un contribuable non-résident que pour un résident en contrariété avec les libertés de circulation européennes (liberté d’établissement et liberté de circulation des capitaux), un résident norvégien a demandé au Conseil d’État d’annuler ces commentaires administratifs.

Le Conseil d’Etat confirme cette analyse sur le terrain de la liberté de la circulation des capitaux uniquement dès lors que l’article 244 bis B s’applique indépendamment des droits de votes détenus par le contribuable et donc potentiellement en l’absence de toute influence décisive du cédant sur la société dont les titres sont cédés (cf. notamment : CE 14 octobre 2020, n° 421524, Sté AVM International).

Le Conseil d’Etat juge en substance que la différence de traitement ainsi instituée par les dispositions de l’article 244 bis B du CGI méconnait l’article 63 TFUE sans être justifiée par une différence objective de situation ou par une raison impérieuse d’intérêt général tirée de la cohérence du système fiscal français, et prononce en conséquence l’annulation des commentaires administratifs (BOFiP-RPPM-PVBMI-20-20-10-§ 10-25/05/2023, remarque 2) réitérant les dispositions législatives litigieuses.

Il est intéressant de noter que le Conseil d’Etat ne prend aucunement en compte dans l’analyse comparative de la charge fiscale entre résidents et non-résidents. En effet, un contribuable résident étant toujours redevable, en sus de l’impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux au taux de 17,2% (lesquels sont des impositions de toute nature au sens de l’article 34 de la Constitution), il est un peu surprenant de conclure à un traitement moins favorable d’un cédant non-résident.

En ouvrant potentiellement la voie vers une option pour le barème pour les non-résidents pour les plus-values de cessions de valeurs mobilières détenues ou acquises avant le 1er janvier 2018, cet arrêt pose la question de l’application des dispositions de l’article 197 A du CGI prévoyant l’application pour les revenus des non-résidents soumis au barème d’un taux minimum d’imposition (20% pour la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à 28 797 € pour les revenus de 2023, et un 30 % à la fraction supérieure à cette limite). Pour rappel, cette imposition minimale n’est pas applicable si le contribuable justifie qu’elle est supérieure à l’imposition calculée en appliquant à ses revenus de source française le taux moyen qui résulterait de la taxation en France de l’ensemble de ses revenus de sources française et étrangère (auquel cas, l’imposition est limitée à l’imposition résultant de ce taux effectif « mondial »). Au vu de l’arrêt commenté, la compatibilité de cette règle avec la liberté de circulation de capitaux pourrait être soulevée en cas d’imposition au barème des plus-values de source française, particulièrement si celles-ci constituent l’essentiel des revenus du contribuable au titre de l’année d’imposition.

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