Cass. 1ère Civ., 5 juin 2024 – n° 22-24.462
Nous avions commenté en septembre 2022 (Netcom Septembre 2022), l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 14 septembre 2022, retenant l’absence de faute de l’éditeur exploitant dans un cadre publicitaire, une œuvre musicale de commande pour un film. La Cour avait également jugé prescrites les demandes en résiliation des contrats et en dommages et intérêts pour manquements aux obligations éditoriales et défaut de reddition de comptes aux motifs que le compositeur avait connaissance depuis plus de 5 ans avant l’assignation des manquements invoqués.
A la suite du pourvoi formé par l’auteur, la Cour de cassation valide l’analyse des juges du fond sur l’absence de faute de l’éditeur et l’absence d’atteinte au droit moral de l’auteur du fait de l’exploitation publicitaire de l’œuvre.
En revanche, la Cour censure les juges du fond sur le moyen tiré de la prescription.
Dans le cadre de son pourvoi, l’auteur faisait grief aux juges du fond d’avoir jugé prescrites ses demandes aux fins de résiliation du contrat de commande de musique originale et du contrat de cession et d’édition d’œuvre musicale, pour défaut de reddition des comptes et pour défaut d’exploitation. L’auteur soutenait que si la prescription interdit la prise en compte de manquements couverts, la demande de résolution du contrat d’édition est recevable pour des manquements constatés au cours de la période non couverte par la prescription.
La Cour accueille le moyen et juge que dès lors que l’éditeur est tenu d’une part, d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu’une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession et d’autre part de rendre compte au moins une fois par an, la répétition de manquements de l’éditeur à ses obligations au cours des cinq années précédant l’assignation peuvent justifier une résolution de contrats conclus avec l’auteur.
La Cour sanctionne donc la Cour d’appel pour ne pas avoir recherché si les manquements imputés à l’éditeur ne s’étaient pas poursuivis pendant la période non prescrite.
La Cour d’appel de Paris autrement composée devra ainsi examiner si les manquements invoqués par l’auteur sur les cinq années précédant l’assignation sont de nature à justifier la résiliation des contrats d’édition.
Enfin, il convient de souligner, s’agissant des griefs liés à l’exploitation publicitaire de l’œuvre, que la Cour retient que l’exploitation secondaire d’une musique de film n’est de nature à porter atteinte au droit moral de l’auteur y ayant consenti, qu’autant qu’elle risque d’altérer l’œuvre ou de déconsidérer l’auteur, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Il appartiendra donc à la Cour d’Appel de statuer au fond sur les demandes. Selon les arrêts récents, le défaut de reddition de comptes ne justifie pas forcément la résiliation du contrat même s’il s’agit bien d’une faute.