CA Paris, 5 juin 2024, n°22/07530
Une commune a commandé à un prestataire la réalisation d’une vidéo de communication institutionnelle, incluant trois enregistrements phonographiques exploités par synchronisation. Le producteur des enregistrements ayant appris l’existence de cette vidéo a contacté la commune en affirmant que ses titres étaient exploités sans son autorisation. Une tentative de règlement amiable avait été dès lors initiée mais n’a pas abouti, ce qui a conduit le producteur à assigner la commune pour exploitation non autorisée des enregistrements en question.
En première instance, ainsi qu’en appel, la commune soutenait qu’elle n’avait commis aucune faute dans la mesure où elle avait confié la réalisation de la vidéo à un prestataire affirmant que les musiques utilisées étaient « libres de droit ». La commune arguait que cette commande la déchargeait de toute responsabilité, suggérant que le producteur aurait dû directement poursuivre le prestataire.
Cependant, la Cour d’appel, confirmant le jugement de première instance, rejette cette défense. La Cour juge que la création de la vidéo par un tiers, contenant la musique qualifiée par ce tiers de « libre de droit », n’exonère pas la commune de sa responsabilité envers le producteur des phonogrammes. La Cour conclut qu’il s’agit d’une communication au public non autorisée des phonogrammes. Sur le plan procédural, la Cour précise que la commune aurait pu assigner en intervention forcée le prestataire pour obtenir sa garantie, ce qu’elle n’a pas fait.
Concernant la réparation, la Cour d’appel confirme la condamnation prononcée en première instance, soit un montant de 1.500 €. La faible condamnation s’explique par la diffusion limitée de la vidéo, qui était destinée à présenter le budget d’une commune de moins de 5.000 habitants, et par le fait que les enregistrements étaient utilisés par extraits. Il est également pris en compte le début de négociation entre les parties.
Cet arrêt ne constitue pas une solution nouvelle mais rappelle clairement que toute personne exploitant une œuvre ou un enregistrement peut engager sa responsabilité, même si elle n’est pas à l’origine de sa création ou de sa production. Ainsi, un cessionnaire ou un licencié, peut être tenu responsable du défaut de diligence de son partenaire lors de l’obtention d’autorisation auprès des tiers dont il exploite les œuvres ou enregistrements. Dès lors, une attention particulière doit être portée aux clauses de garantie dans les contrats de commande, afin de s’assurer que le prestataire pourra, le cas échéant, indemniser son client en cas d’action pour exploitation non autorisée de droits de propriété intellectuelle de tiers.