Nous revenons sur une décision publiée du 22 mai 2024, rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation portant sur les conséquences de la violation de la clause de non-concurrence jugée nulle (Cass. soc., 22 mai 2024, 22-17036).
Le contrat de travail d’un salarié embauché en qualité d’attaché technico-commercial sédentaire comportait une clause de non-concurrence d’une durée d’un an s’étendant sur toute la France et portant sur « le négoce, la distribution ou la vente de tous produits se rapportant à la distribution, la diffusion, la filtration, la ventilation, l’isolation de tous conduits d’air, la protection incendie, au traitement de l’air, en général à tous matériels se rapportant à l’aéraulique dans le bâtiment ».
Après démission du salarié, l’employeur saisissait le conseil de prud’hommes afin que soit constatée la violation par le salarié de la clause de non-concurrence. En réponse le salarié sollicita la nullité de la clause en arguant de son champ d’application géographique trop vaste (toute la France) au regard de sa qualification de technico-commercial et des fonctions effectivement exercées.
La cour d’appel, d’une part (i) jugea nulle la clause de non-concurrence et, d’autre part (ii), en raison de cette nullité, débouta l’employeur notamment de sa demande de remboursement de l’indemnité de non-concurrence.
Saisie d’un pourvoi par l’employeur, après avoir confirmé la nullité de la clause de non-concurrence, la Cour de cassation rappelle d’abord le principe général selon lequel :
« Si un contrat nul ne peut produire aucun effet, les parties, au cas où il a été exécuté, doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient auparavant, compte tenu des prestations de chacune d’elles et de l’avantage qu’elles en ont retiré. »
Elle rappelle ensuite que :
« lorsqu’une clause de non-concurrence est annulée, le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence illicite peut prétendre au paiement d’une indemnité en réparation du fait que l’employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d’exercer une activité professionnelle. »
Ainsi, outre l’action en nullité de la clause, le salarié peut introduire à l’encontre de l’employeur une action en dommages-intérêts.
Se plaçant du côté de l’employeur, la Cour de cassation distingue ensuite ce qu’il peut solliciter lorsque (i) la clause de non-concurrence jugée nulle a été violée par le salarié par rapport à (ii) l’hypothèse dans laquelle la clause a été respectée par le salarié. Ainsi, elle juge que :
« Il en résulte que l’employeur n’est pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l’obligation qui a été respectée. »
« Toutefois, l’employeur qui prouve que le salarié a violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s’est effectivement appliquée, est fondé à solliciter le remboursement de la contrepartie financière indûment versée à compter de la date à laquelle la violation est établie. »
En conséquence, la Cour de cassation juge que la cour d’appel aurait dû « rechercher, comme il le lui était demandé, si le salarié avait violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s’est effectivement appliquée avant que la nullité n’en soit judiciairement constatée ». L’arrêt d’appel est donc cassé.
Ainsi, si l’employeur ne peut demander la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de la clause qui a été respectée, il est en revanche fondé à effectuer une telle demande s’il établit que le salarié a violé cette clause pendant la période où elle s’appliquait. Est ainsi étendu au cas de la clause de non-concurrence annulée, le principe déjà jugé selon lequel le salarié qui ne respecte pas son obligation de non-concurrence doit rembourser la contrepartie financière indûment versée à compter de la date établie de la violation (Cass. soc., 28 mars 2006, 04-44832). Le principe avait déjà été jugé dans une décision inédite en 2017 (Cass. soc., 27 sept. 2017, 16-12852).