Un fournisseur, fabricant de meubles, avait pour seul client un distributeur de meubles. Les parties entretenaient des relations depuis 17 ans, lorsque le distributeur a lancé un appel d’offres auquel le fournisseur a participé et qu’il a remporté. Les volumes d’achats du distributeur auprès du fournisseur ont commencé à baisser sensiblement ; les parties ont alors conclu un protocole transactionnel prévoyant une baisse progressive des commandes sur trois ans et une fin de leurs relations commerciales au terme de cette troisième année. Durant cette période de désengagement progressif, le fournisseur a assigné le distributeur pour rupture brutale. Le Ministre de l’économie est intervenu à la procédure.
Dans un arrêt du 23 mai 2013, la Cour d’appel de Paris a estimé que, compte tenu de l’ancienneté des relations, des difficultés rencontrées dans ce secteur d’activité et du fait que la relation portait sur des produits sous marque de distributeur (ce qui avait pour effet de doubler le préavis de rupture suffisant), le préavis nécessaire pour rompre ces relations était de 30 mois. Le préavis ayant commencé à courir au jour du lancement de l’appel d’offres par le distributeur, la Cour a relevé que cette durée de préavis avait bien été respectée.
En revanche, la Cour a considéré qu’il n’était pas possible de déroger conventionnellement aux dispositions de l’article L.442-6-I-5° du Code de commerce et qu’au surplus, le fournisseur qui avait le distributeur pour seul client n’avait pas pu négocier la baisse des volumes prévue par protocole transactionnel, si bien que cette baisse avait été imposée par le distributeur. La Cour a donc estimé que cet accord portant sur une baisse des commandes ne pouvait constituer un désengagement progressif permettant au fournisseur de se reconvertir. Elle en a conclu que le distributeur, en diminuant fortement ses commandes pendant le préavis, avait brutalement rompu ses relations avec le fournisseur et a, par conséquent, condamné le distributeur à payer au fournisseur la différence entre la marge brute que ce dernier avait effectivement réalisée pendant le préavis et celle qu’il aurait réalisée si un volume de commandes constant avait été conservé.
Par ailleurs, la Cour d’appel de Paris a considéré que rien ne démontrait que le distributeur avait demandé à être le seul client du fournisseur, ni qu’il ait été indispensable pour ce dernier de n’avoir que ce seul client. Par conséquent, la dépendance dans laquelle le fournisseur se trouvait vis-à-vis du distributeur ne pouvait être prise en considération pour le calcul du préjudice subi du fait de la rupture.
Enfin, notons que la Cour a également condamné le distributeur au paiement d’une amende civile.