Par une décision publiée, rendue le 3 juillet 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a (i) d’une part rappelé les conditions de la rupture de la période d’essai – cela fera l’objet d’un flash nomoSocial distinct – et (ii) d’autre part, a précisé les modalités de renonciation à la mise en œuvre d’une clause de non-concurrence (Cass. soc., 3 juil. 2024, 22-17452).
Le contrat de travail d’un salarié prévoyait une clause de non-concurrence à laquelle l’employeur pouvait renoncer « sous réserve » de notifier au salarié son intention d’y renoncer « par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de 15 jours maximum après la notification de la rupture du contrat de travail ». L’employeur avait renoncé à la clause de non-concurrence par l’envoi de deux courriels 11 et 13 jours après la notification de la rupture.
Estimant que la levée de la clause de non-concurrence ne respectait pas le formalisme imposé par le contrat de travail, le salarié avait saisi la juridiction prud’hommale afin d’obtenir le versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
La cour d’appel jugea que la renonciation à la clause de non-concurrence effectuée par voie de courriel ne pouvait suppléer à la formalité de la lettre recommandée avec avis de réception prévue par le contrat de travail. En conséquence, elle condamna l’employeur à payer au salarié une somme à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, outre les congés payés y afférents.
Au soutien de son pourvoi, l’employeur invoquait le caractère « clair et non-équivoque » de son intention de lever la clause de non-concurrence et considérait que « les modalités contractuelles de renonciation [de la clause] n’en conditionnent la validité qu’au regard du délai de prévenance qui y est mentionné et non des modalités formelles de cette renonciation, dont le salarié peut être informé par tout moyen ». Autrement dit, l’employeur prétendait que l’envoi par LRAR de la renonciation à la clause de non-concurrence était exigé ad probationem et non ad validitatem dans le contrat de travail.
La Cour de cassation, approuvant la décision de la cour d’appel, rejette ce moyen qu’elle qualifie d’infondé et juge que :
« La cour d’appel, qui a constaté que la clause de non-concurrence prévoyait la possibilité pour l’employeur de renoncer à cette clause par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de quinze jours maximum après la notification de la rupture du contrat de travail, et que celui-ci y avait renoncé par l’envoi d’un courriel, a exactement retenu que l’employeur n’avait pas valablement renoncé à la clause de non-concurrence (§8). ».
Autrement dit, à défaut de respect du formalisme contractuel prévu par le contrat de travail, la renonciation à la clause de non-concurrence est sans effet.
On pourra regretter cet excès accordé au formalisme par la chambre sociale de la Cour de cassation. Ce d’autant que, contrairement à ce qu’écrit la Cour de cassation dans son 8ème paragraphe, l’employeur n’avait pas renoncé « par l’envoi d’un courriel » mais bien par deux courriels envoyés les 4 et 6 août 2015. Le salarié avait donc été informé par deux fois. A notre sens, la seule question qui devait se poser était de savoir si le salarié avait ou non effectivement reçu lesdits courriels. Question qui n’est cependant pas traitée par la haute juridiction alors même que l’employeur prétendait que le salarié avait été « dûment informé par voie de courriel ». Elle était pourtant essentielle…
Cette décision confirme une décision antérieurement rendue, mais non publiée, par la Cour de cassation appliquant un raisonnement identique (Cass. soc., 21 oct. 2020, 19-18399, § 7 et 8). A ceci près que dans cette décision, la salariée concernée prétendait qu’il n’était pas établi qu’elle avait eu connaissance du courriel.
En conséquence, avant de renoncer à une clause de non-concurrence, il importe de se reporter aux dispositions expresses de ladite clause ; mieux encore, il est préférable de ne pas y stipuler uniquement la possibilité d’une renonciation par LRAR, l’ajout d’une possible renonciation par lettre remise en main propre voire de la formule « par tout moyen » est préférable.