Le 17 octobre 2013, le Sénat a adopté définitivement le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, dans le cadre d’une procédure accélérée engagée par le gouvernement. Le vote de l’assemblée ratifiera ce texte.
Cette nouvelle loi modifie principalement les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et vient consacrer l’objectif d’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public (France Télévision, Radio France) voulu par le gouvernement, en réattribuant au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), le pouvoir de nommer leurs présidents.
Aux côtés de cette mesure symbolique attendue, les sénateurs ont apporté certaines modifications à la loi de 1986, notamment sur les pouvoirs du CSA mais également quant à la définition de la production indépendante.
Tout d’abord, la loi votée modernise la procédure de sanction conduite par le CSA en tenant compte des exigences de la jurisprudence en ce domaine.
En effet, la loi rétablit le principe de séparation des pouvoirs d’instruction et de sanction du CSA, en attribuant les fonctions d’instruction à un rapporteur permanent. Elle modifie ainsi les dispositions qui prévoyaient que le CSA pouvait être, pour les mêmes manquements, l’initiateur de la procédure de sanction, par l’envoi de mises en demeure, et le juge, par le prononcé de sanctions.
Cette modification fait suite à la récente décision du Conseil Constitutionnel relative aux pouvoirs de sanction de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP) / (DC n° 2013-331 du 5 juillet 2013). Le Conseil avait admis l’inconstitutionnalité de la procédure de sanction et considérait que celle-ci, « n’assurant pas la séparation entre, d’une part, les fonctions de poursuites et d’instruction des éventuels manquements et, d’autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements » méconnaissait le principe d’impartialité.
De plus, l’admission de la question prioritaire de constitutionalité récemment posée par Sud Radio à propos des pouvoirs de sanctions du CSA confirmait la nécessité de modifier rapidement ces dispositions.
Désormais, le CSA ne pourra prononcer des sanctions que pour des manquements reposant « sur des faits distincts ou couvrant une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure ».
L’article 3 de la loi prévoit que les fonctions de poursuite et d’instruction seront désormais assurées par un rapporteur permanent, lequel décidera d’engager une procédure de sanction si les faits connus le justifient. Le rapporteur devra notifier les griefs aux personnes mises en cause et leur laisser un mois pour présenter leurs observations. C’est au cours d’une séance réunissant le collège du CSA et la personne mise en cause que le rapporteur proposera l’adoption de sanctions. Au terme de cette procédure, le Conseil décidera seul de l’adoption des sanctions proposées.
Par ailleurs, la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel est venue modifier la notion de production indépendante.
Les chaînes de télévision ont en effet l’obligation de faire appel à des productions indépendantes pour une partie de leurs programmes, et la loi du définit les conditions requises pour qu’une œuvre audiovisuelle soit prise en compte au titre de la contribution d’un éditeur de service à la production indépendante. Elle excluait également que ces éditeurs ne pouvaient détiennent directement ou indirectement des parts de producteurs.
L’amendement voté, inspiré du rapport du sénateur Plancade, élargit le champ de la notion de production indépendante en ajoutant que l’éditeur de services peut détenir directement ou indirectement des parts de producteurs « s’il a financé une part substantielle de l’œuvre ».
Cet ajout permettant la détention de parts de coproduction sur des créations dites indépendantes est donc limité aux œuvres financées de manière substantielle par les chaînes de télévision. Un décret ultérieur viendra préciser le seuil de cette part substantielle mais la ministre de la culture a déjà annoncé que celui-ci serait, à minima, de 70 %, ce qui excède très largement ce que la jurisprudence entend généralement sous ce terme.
Cette intervention, sans lien avec l’objectif initial de la loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, vient satisfaire les revendications des chaînes de télévision mais mécontente la plupart des syndicats de producteurs, alors qu’un rapport sur les relations entre producteurs et diffuseurs devait être remis par M. Vallet à la ministre de la Culture à la fin du mois de novembre.
En effet, les chaînes de télévision pourront désormais acquérir une fait de coproduction d’une œuvre, lorsqu’elles en assurent un financement substantielle seront directement intéressées aux recettes de ré exploitation.
Bien que le niveau de la contribution exigée limite la portée de cette mesure, les producteurs dénoncent le « désengagement créatif » des chaînes de télévision, lesquelles pourront détenir des parts de coproduction sans avoir à s’engager globalement dans le financement de la création. Ils invoquent également le risque de blocage de la circulation des œuvres et de leur revente par les éditeurs de services ayant acquis les droits fait l’objet de critiques.
Outre le seuil de la part substantielle précitée, les décrets à venir préciseront l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus directement ou indirectement par la chaîne de télévision détenant des parts de production. Ces décrets pourront également prendre en compte la durée de détention des droits de diffusion par l’éditeur de services ainsi que la nature des droits et l’étendue de la responsabilité de l’éditeur de services dans la production de l’œuvre.
Si les conditions du vote de cette disposition peuvent surprendre, l’on peut penser que les précisions apportées permettront de garantir le financement de la production et une amélioration de l’exploitation des œuvres audiovisuelles françaises qui souffrent de leur faible diffusion internationale.
Robin D’HERAIN
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