Dans un arrêt du 11 décembre 2013, la Cour de cassation renverse sa jurisprudence sur la recevabilité de l’action en contrefaçon d’une œuvre de collaboration. Au visa de l’article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), elle juge que la recevabilité de l’action dirigée contre le seul exploitant d’une œuvre de collaboration n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’ensemble des coauteurs de celle-ci.
En l’espèce, le demandeur était l’auteur de paroles de quatre chansons. Ces chansons étaient composées et interprétées par l’un des défendeurs au pourvoi avec lequel un producteur avait conclu un contrat d’enregistrement exclusif. En vertu de ce contrat, avaient été produits deux phonogrammes du commerce contenant les œuvres dérivées de ces quatre titres dont le demandeur était parolier. Estimant que ces enregistrements ne pouvaient être produits sans son accord et sans versement d’une rémunération à son profit, le demandeur engageait alors une action en contrefaçon de ses droits patrimoniaux et de son droit moral à l’encontre du seul producteur et demandait la cessation de l’exploitation, sans mettre en cause les autres coauteurs de l’œuvre présumée contrefaisante.
La Cour d’appel condamnait le producteur sur le fondement du droit moral, mais déboutait le demandeur de son action en contrefaçon de ses droits patrimoniaux. Le producteur soutenait en défense l’irrecevabilité de la demande de l’auteur qui n’avait pas mis en cause l’ensemble des coauteurs de l’œuvre litigieuse. L’irrecevabilité de l’action fondée sur les droits patrimoniaux est retenue par la Cour d’appel au motif que l’action pourrait affecter les conditions de l’exploitation future et les droits des coauteurs de l’œuvre. Le demandeur se pourvoyait alors en cassation contre cette irrecevabilité, tandis que le producteur formait un pourvoi incident, soutenant que l’irrecevabilité s’étendait également à l’action fondée sur le droit moral.
La Cour de cassation retient la qualification d’œuvre de collaboration. Partant, l’article L.113-3 CPI, notamment son alinéa 2 imposant la mise en cause des auteurs de l’œuvre de collaboration, trouvait à s’appliquer.
La jurisprudence civile considérait jusqu’alors que « la recevabilité de l’action en contrefaçon dirigée à l’encontre d’une œuvre de collaboration, laquelle est la propriété commune des coauteurs, est subordonnée à la mise en cause de l’ensemble de ceux-ci, dès lors que leur contribution ne peut être séparée » (Cass. 1ère civ., 5 juill. 2006).
En l’espèce, l’arrêt attaqué est cassé au visa de l’article L.113-3 CPI et d’un attendu de principe qui affirme que « la recevabilité de l’action engagée par l’auteur de l’œuvre première et dirigée exclusivement à l’encontre de l’exploitant d’une œuvre de collaboration arguée de contrefaçon n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’ensemble des coauteurs de celle-ci ».
En conséquence de cette décision, la mise en cause systématique de tous les coauteurs n’est donc plus une condition de recevabilité de l’action visant une œuvre de collaboration arguée de contrefaçon.
Le visa de l’article L.113-3 CPI, l’attendu de principe et la publication de l’arrêt (P+B) mettent en lumière une décision majeure pour l’exercice des actions en contrefaçon visant des œuvres de collaboration. Il est certain que l’introduction de l’action visant une œuvre de collaboration arguée de contrefaçon est facilitée dès lors que les demandes ne visent que l’exploitant de l’œuvre : il ne serait désormais plus requis à titre de recevabilité d’assigner ou attraire tous les coauteurs de l’œuvre de collaboration litigieuse. Cette solution profitera évidemment au demandeur agissant à l’encontre d’une œuvre de collaboration, qui ne pourra plus se voir opposée l’irrecevabilité tirée de ce qu’il n’a pas mis en cause l’ensemble des coauteurs de celle-ci.
Loïc FOUQUET