Par un arrêt rendu le 23 janvier 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) précise le régime du jeu vidéo en droit d’auteur ainsi que celui des mesures techniques de protection.
La société Nintendo, éditeur et producteur de jeux vidéo, commercialise des consoles dotées d’un système de reconnaissance, et des jeux dont les supports comportent un code crypté, rendant impossible la lecture de contenus multimédia provenant de supports non cryptés. La société PC Box commercialisait des consoles Nintendo sur lesquelles étaient installées des applications additionnelles développées par des producteurs indépendants, permettant notamment la lecture de formats non supportés par les consoles. Ces applications nécessitaient le contournement des mesures techniques de protection de Nintendo, ce que PC Box permettait.
Nintendo a assigné PC Box en Italie, arguant que la finalité de ses appareils était de contourner ses mesures afin de permettre la lecture de jeux vidéo de contrefaçon. PC Box soutenait pour sa part que les mesures avaient uniquement pour but d’empêcher l’usage de toute application indépendante, même licite.
Par cette décision, la Cour de Justice, si elle expose à titre seulement liminaire son appréciation, nous donne un éclairage particulièrement intéressant sur la protection du jeu vidéo et de ses éléments par le droit d’auteur.
Ainsi, elle énonce que le jeu vidéo, aussi bien ses parties que dans son ensemble, est protégé en tant qu’œuvre par le droit d’auteur au sens de la directive 2001/29, à la condition d’être original. Ainsi, elle relève que « les jeux vidéo, […], constituent un matériel complexe comprenant non seulement un programme d’ordinateur, mais également des éléments graphiques et sonores concernant le programme d’ordinateur » (§23). La protection du programme d’ordinateur par le droit d’auteur, conférée par la directive 2009/24, conforte ce constat : le programme ainsi que les éléments qu’il met en œuvre, « dès lors qu'[ils] participent, comme [tels], à l’originalité de l’œuvre entière » (§22), « sont [protégés], ensemble avec l’œuvre entière, par le droit d’auteur dans le cadre du régime instauré par la directive 2001/29 » (§23).
La Cour fait ainsi une application conforme de sa jurisprudence Infopaq, C-5/09, du 16 juillet 2009, qui énonçait déjà que, « en ce qui concerne les parties d’une œuvre, il y a lieu de constater que rien […] n’indique que ces parties sont soumises à un régime différent de celui de l’œuvre entière. Il s’ensuit qu’elles sont protégées par le droit d’auteur dès lors qu’elles participent, comme telles, à l’originalité de l’œuvre entière ».
En l’espèce, la saisine était cependant principalement tournée vers les questions relatives aux mesures techniques de protection et à l’étendue de leur protection juridique.
La décision précise tout d’abord la définition de la mesure technique « réputée efficace » selon l’article 6.3 de la directive 2001/29. La Cour interprète de manière large cette définition : la mesure technique efficace peut être celle qui équipe d’un dispositif de reconnaissance non seulement le support de l’œuvre, mais également le dispositif de lecture permettant l’accès à l’œuvre (§37).
Ensuite, la Cour étudie l’étendue de la mesure technique que le titulaire du droit peut apposer. Elle rappelle à cet égard le principe de proportionnalité de la mesure : celle-ci doit avoir pour but de protéger le titulaire contre les utilisations non autorisées relatives à ses droits de propriété intellectuelle (§25). Précisément, l’apposition de mesures techniques « ne doit pas interdire les dispositifs ou les activités qui ont, sur le plan commercial » un but licite (§30). Ainsi, la protection juridique sera accordée « uniquement à l’égard des mesures techniques qui poursuivent [cet] objectif », de sorte que les mesures « ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin » (§31).
Il reviendra enfin aux juridictions nationales de vérifier l’adéquation de la mesure technique de protection à la réalisation de cet objectif, en appréciant si d’autres mesures techniques « pourraient causer moins d’interférences avec les activités des tiers ou de limitations de ces activités, tout en apportant une protection comparable pour les droits du titulaire » (§38).
Loïc FOUQUET
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