Les conditions dans lesquelles l’employeur demande à un salarié la régularisation d’un contrat de travail comportant une cession des droits d’auteur sur ses créations peuvent constituer des faits de harcèlement moral.
Monsieur B était dessinateur salarié au sein d’un groupe de joaillerie, mais les relations de travail entre les parties n’avaient pas été formalisées par écrit. En avril 2004, l’employeur propose au salarié de conclure un contrat de travail à durée indéterminée auquel était annexé un contrat de cession de droits d’auteur, contrats qu’il a refusé de signer à plusieurs reprises.
Les relations entre l’employeur et le salarié se détériorent. Licencié pour faute grave le 21 septembre 2005, le salarié saisit, d’une part, la juridiction prud’homale pour contester cette mesure en faisant valoir un harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de son employeur et, d’autre part, le Tribunal de grande instance de Paris d’une action en contrefaçon en soutenant être titulaire de droits d’auteur sur les dessins de bijoux qu’il a réalisés entre 2000 et 2005. Devant la juridiction civile, le salarié demandait le paiement d’une rémunération proportionnelle au titre de l’exploitation de ses créations jusqu’en 2005 et qu’il soit fait interdiction à son employeur de commercialiser toutes pièces de joaillerie reproduisant ses dessins.
Le salarié est débouté de son action fondée sur le droit d’auteur, les dessins étant qualifiés de documents préparatoires à la conception de bijoux, laquelle procédait d’un travail collectif associant de nombreuses personnes, l’employeur ayant le pouvoir d’initiative et contrôlant le processus jusqu’au produit finalisé en fournissant aux équipes des directives et des instructions esthétiques afin d’harmoniser les différentes contributions (cf. Cass. civ. 1ère, 19 décembre 2013).
Au regard du droit du travail, la mise à pied disciplinaire ainsi que le licenciement pour faute grave sont annulés et l’employeur condamné pour harcèlement moral.
La Chambre sociale confirme l’analyse des juridictions du fond sur l’existence du harcèlement moral dans le cadre du différend opposant le salarié qui bénéficiait de 19 années d’ancienneté.
Il est ainsi reproché à l’employeur l’existence de pressions incessantes consistant notamment dans l’envoi au salarié de mises en demeure de restituer les originaux des dessins, et ce bien que celui-ci ne se soit vu reconnaître judiciairement aucun droit de propriété, dans des menaces de licenciement disciplinaire à défaut de restitution, dans l’organisation d’entretiens en vue d’obtenir son accord sur la modification de son contrat de travail et au contraire dans l’absence d’entretien d’évaluation annuel et d’augmentation de salaire ou dans la prise de décisions jugées comme préjudiciables au salarié relatives notamment à ses congés payés. Le salarié ayant fait l’objet d’un arrêt maladie pour dépression, ces faits ont été jugés comme « aboutissant à la dégradation de l’état de santé du salarié, portant atteinte à se dignité et compromettant son avenir professionnel tandis que l’employeur ne justifiait d’aucun élément étranger à tout harcèlement ».
Florence DAUVERGNE
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