Le passage à la télévision numérique a bouleversé le paysage audiovisuel français. A l’origine, lors des premiers appels à candidature en 2002, les professionnels s’attendaient à une augmentation du nombre de services payants et à un développement moins rapide des services gratuits, financés par la publicité.
Mais la télévision numérique payante n’a pas connu le succès attendu. Tandis que les nouveaux services gratuits rencontraient leur public, les services payants n’ont pas été en mesure de trouver leur équilibre économique, compte tenu des frais de diffusion hertzienne pour assurer une couverture nationale et du faible nombre d’abonnés à l’offre payante hertzienne.
Lors des derniers appels à candidature, aucun projet n’a sollicité d’autorisation pour émettre en payant. Le CSA a donc autorisé, en 2012, six nouveaux services gratuits, en haute définition portant à 25 le nombre de services nationaux gratuits.
Une modification de la loi, votée en 2013, permet aux bénéficiaires d’autorisations de solliciter du CSA une modification de leur autorisation, en passant d’un modèle gratuit à un modèle payant, ou inversement.
La demande de passage en gratuit de la chaîne d’information du groupe TF1, LCI, était attendue compte tenu de la concurrence qu’elle subissait de deux chaînes gratuites, qui ont été autorisées postérieurement. Les autres chaînes payantes n’ont pas tardé à réagir. Ainsi, Paris Première, filiale du groupe M6, et Planète+, filiale du groupe Canal Plus, ont également sollicité l’autorisation de passage au régime gratuit.
Cette probable augmentation du nombre de services gratuits au profit des opérateurs historiques a entraîné une forte opposition des chaînes privées « indépendantes » qui ont formé des recours auprès de la Commission Européenne contre la modification de la loi, mais qui ont également développé une argumentation détaillée auprès du CSA sur les conséquences néfastes de ce passage du régime payant au régime gratuit.
Devant la Commission européenne, les télédiffuseurs indépendants soutiennent que la modification de la loi qui ne profite qu’aux filiales des principaux groupes constitue une violation des directives relatives aux communications électroniques, notamment en ce qu’elle méconnaît les principes de non-discrimination et d’interdiction d’octroi de droits spéciaux.
La décision du CSA était donc très attendue. Selon la loi, l’agrément du changement de régime doit respecter les impératifs de pluralisme, de qualité et de diversité des programmes, mais le CSA doit également prendre en compte les équilibres du marché publicitaire des services de télévision.
A l’issue d’auditions et d’études menées sur l’impact de sa décision, le CSA a rejeté les trois demandes de passage de payant en gratuit, en retenant que chacune d’elle, malgré son intérêt, était de nature à créer des difficultés en portant atteinte à la diversité éditoriale de l’offre de télévision hertzienne numérique gratuite.
Pour motiver ses décisions, le CSA s’est fondé sur une analyse de la conjoncture du marché publicitaire, de la situation financière des chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre et, plus généralement, de l’attente des consommateurs.
Le CSA retient en premier lieu que les recettes publicitaires des services de télévision sont en baisse et qu’aucune inversion de la conjoncture n’est prévisible.
Ensuite, il met en avant la fragilité financière des chaînes gratuites qui ne sont pas adossées à un grand groupe.
Enfin, il relève que, alors qu’existent déjà 25 chaînes nationales gratuites, l’arrivée de nouvelles chaînes aura pour conséquence la baisse d’audience des chaînes existantes, la tendance étant plutôt à la réduction de la durée d’écoute de la télévision qu’à sa croissance.
Au-delà de ces considérations générales, le CSA a retenu que chacune des demandes était susceptible de déstabiliser des chaînes existantes, en portant particulièrement son attention sur la situation des chaînes « indépendantes » dont la cible d’audience lui est apparue voisine des chaînes candidates au passage en gratuit.
Le CSA retient donc que les conditions ne sont pas réunies pour autoriser le passage en gratuit de l’un des demandeurs ; il précise qu’il reste attentif à l’évolution du marché.
Il conviendra de suivre les réactions des services concernés et notamment s’ils feront appel de la décision du CSA et/ou s’ils décideront de stopper leur activité.
En tous cas, la question de la configuration de l’offre de télévision hertzienne ne manquera pas de se poser à nouveau prochainement, du fait du retrait de certains services payants.
Sauf à abandonner aux opérateurs télécom les fréquences hertziennes, le CSA devra choisir si les prochains appels à candidature seront réservés à la transition vers la haute définition ou s’il existe de la place pour de nouveaux services gratuits.
Eric LAUVAUX
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