Skip to main content
Imprimer

Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 et décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 – Rapport d’évaluation du droit d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, remis le 18 mars 2015 par Fanny DOMBRE COSTE, parlementaire en mission

Pour mémoire, une nouvelle obligation, applicable depuis le 1er novembre 2014, issue de la loi dite loi HAMON , impose d’informer les salariés d’une société, comptant moins de 50 salariés ou entre 50 et 249 salariés s’il s’agit d’une PME , du projet de cession d’un fonds de commerce ou d’une participation majoritaire, pour leur permettre de présenter une offre d’achat .

Les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif – qui se cumule par ailleurs avec une information triennale sur les conditions de reprise d’une entreprise par les salariés, destinée à tous les salariés des sociétés de moins de 250 salariés – ont été précisées par un décret et un guide pratique publiés fin octobre 2014.

Cessions concernées par l’information :

Nature de l’opération : selon le guide pratique, sont notamment concernés la vente, l’apport en société, la donation, la transaction, l’échange. Un apport de fonds de commerce ou d’une participation majoritaire placé sous le régime de droit commun des augmentations de capital entre donc dans le champ d’application du dispositif.
A l’inverse, selon ce guide, une transmission universelle de patrimoine, comme une donation ou libéralité dans le cadre familial, n’est pas concernée car ne constitue pas une cession. Mais on peut y ajouter toutes les opérations entrainant transmission universelle de patrimoine dont il est reconnu qu’elles ne sont pas des cessions, comme les fusions, scissions, apports partiels d’actifs placés sous le régime des scissions, dissolution sous le régime de l’article 1844-5, alinéa 3 du code civil communément appelée TUP, etc …, qui échappent donc au droit d’information des salariés dans le cadre de ce dispositif.

Objet de l’opération :

? Fonds de commerce : la loi visant un fonds de commerce, ne sont pas concernés les fonds d’une autre nature (fonds artisanal, un fonds libéral ou rural). Le guide précise que l’immatriculation du fonds de commerce au RCS ou au Répertoire des Métiers n’est pas déterminante pour l’application du dispositif. Une cession partielle de fonds de commerce entre à notre avis dans le dispositif, dès lors que la branche cédée constitue un fonds de commerce.

? Participation majoritaire :

– Plus de 50 % des parts d’une SARL,

– Ou plus de 50 % d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions (société anonyme, société par actions simplifiée, société en commandite par actions).

Etant notamment précisé que :

? La cession doit être consentie par un seul cédant détenant la participation majoritaire, ce qui exclut du dispositif la cession d’une participation majoritaire par plusieurs cédants ;
? La cession d’un bloc minoritaire conférant la majorité du capital ne relève pas de l’obligation d’information ;
? Les cessions intra-groupe, que ce soit de filiale à filiale ou entre société filiale et société mère, quand elles ont lieu en un seul bloc majoritaire (ce qui exclut la cession progressive de blocs minoritaires) et la cession d’une participation majoritaire dans une filiale française d’une société étrangère relèvent de l’obligation d’information .

? Pleine propriété du fonds de commerce ou de la participation majoritaire : l’obligation d’information des salariés s’applique en cas de cession de la pleine propriété, ce qui exclut du dispositif la cession de la nue-propriété ou de l’usufruit.

Salariés destinataires de l’information :

– Toute personne liée par un contrat de travail à la société (ce qui exclut notamment les intérimaires), dont les titres ou le fonds de commerce sont cédés (en cas de pluralité de fonds de commerce, seuls les salariés rattachés au fonds cédé devraient être informés ).

Modalités de l’information :

Formes : au cours d’une réunion d’information des salariés à l’issue de laquelle ces derniers signent le registre de présence à cette réunion ; ou par un affichage ; ou par courrier électronique dont la date de réception peut être certifiée ; ou par remise en main propre (d’un document écrit mentionnant les informations requises, contre émargement ou récépissé) ; ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; ou par acte extrajudiciaire (exploit d’huissier notamment) ; ou par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.

Auteur :

? En cas de cession de fonds de commerce : le propriétaire du fonds de commerce, s’il est l’exploitant (s’il ne l’est pas, il informe l’exploitant qui informe les salariés).

? En cas de cession d’une participation majoritaire : le représentant légal.
(Pour les sociétés de moins de 50 salariés, la loi ne précise pas le cas dans lequel le représentant légal ne serait pas le cédant, cas pourtant fréquent dans les groupes de sociétés : une information préalable du cédant au représentant légal devrait être donnée en pratique pour permettre à ce dernier de déclencher la notification aux salariés ; le guide pratique intègre d’ailleurs cette étape ).

Contenu : Indication de la volonté du cédant de procéder à une cession et de la possibilité pour les salariés de présenter une offre de rachat (aucune autre information ou document n’étant donc à transmettre). Le guide pratique propose des modèles d’information.

Délais :

? Dans les sociétés n’ayant pas d’obligation de mettre en place un comité d’entreprise (notamment sociétés de moins de 50 salariés) : au plus tard 2 mois avant le transfert de propriété.
Ce délai peut être raccourci si tous les salariés ont fait part de leur décision de na pas présenter d’offre, de manière explicite et non équivoque ; le guide pratique propose des modèles de renonciation.

? Dans les PME ayant l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise : au plus tard à la date où l’employeur procède à l’information et à la consultation du Comité d’entreprise sur le projet de cession.
Selon l’ANSA , le délai de 2 mois n’est pas obligatoire en présence d’un comité d’entreprise, la cession pouvant donc être réalisée au terme des délais nécessaires à la consultation de ce comité. Mais en cas d’absence constatée du comité d’entreprise et des délégués du personnel, la loi et le guide précisent qu’il est fait application de la procédure prévue pour les sociétés de moins de 50 salariés.

Sanctions du défaut d’information ou d’une information tardive ou incomplète :

– Annulation de la cession possible à la demande de tout salarié.

– Prescription de l’action :

? 2 mois à compter de la publication de la cession du fonds de commerce (date la première publication au BODACC ou dans un journal d’annonces légales).

? 2 mois à compter de la publication de la cession de la participation majoritaire ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés :
Pour la cession d’une participation majoritaire d’une société par actions, aucune publication n’étant requise, la date d’information des salariés devrait constituer le point de départ du délai de prescription. Pour les SARL, ce point de départ devrait être le dépôt des statuts modifiés au greffe du Tribunal de Commerce, désormais seul requis en cas de cession de parts sociales. Toutefois, le guide pratique prévoit dans chaque cas d’adresser une seconde information aux salariés. La loi ne précise pas les modalités de cette information qui, selon ce guide, est donnée par tout moyen de nature à rendre certaine la date de réception de cette information.

Face aux questions soulevées sur l’articulation entre ce nouveau dispositif et le bon déroulement de la cession d’une entreprise, le Gouvernement a lancé une mission parlementaire chargée de dresser un premier constat sur les conditions de mise en œuvre du droit d’information des salariés et plus largement sur les recommandations pouvant être formulées pour faciliter et accompagner les transmissions et reprises d’entreprises .

Les conclusions de cette mission ont été remises le 18 mars 2015 .

Convaincue que « ce nouveau droit a du sens pour les salariés et les entreprises : il doit donc être préservé et conforté », mais que sa « traduction juridique » mérite d’être adaptée et améliorée », la parlementaire en mission propose les trois principaux aménagements suivants :

– Remplacer la sanction de la nullité par une amende civile.

– Alléger l’obligation de notification aux salariés, en permettant, lorsque l’information est donnée au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, que la date de première présentation de cette lettre constitue la date de réception de l’information.

– Limiter le champ d’application du dispositif « aux cas de vente (donc à titre onéreux) qui sont les seules à réellement pouvoir donner lieu à une transmission aux salariés ».

Ces modifications doivent être intégrées par amendement au projet de loi pour la Croissance, l’Activité et l’Egalité des chances économiques, dite « loi Macron », lors de son passage au Sénat début avril.

Katia MARDESIC

Télécharger l’article en pdf

Imprimer