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Cass. soc. 3 juin 2015, 13-25542 

Dès lors que l’accord sur les forfait-jours ne précise pas le nombre de JRTT accordés aux salariés concernés mais renvoie à un calcul – fonction notamment des congés payés et des jours fériés – devant être effectué tous les ans, les 2 jours fériés supplémentaires réservés à l’Alsace-Moselle (vendredi saint et 26 décembre) diminuent nécessairement d’autant ledit nombre de JRTT annuels. Seul le nombre de jours de travail annuels, stipulé à l’accord, doit impérativement être respecté.


Le code du travail prévoit 11 jours fériés sur l’ensemble du territoire (art. L3133-1 c. trav.). S’agissant des salariés dont l’entreprise est située dans le département de la Moselle, du Bas-Rhin ou du Haut-Rhin, il ajoute deux jours fériés : le vendredi saint et le 26 décembre. Les salariés d’Alsace-Moselle doivent donc bénéficier de deux jours fériés supplémentaires par rapport aux salariés du reste du territoire français.

Dans les entreprises organisant le temps de travail avec l’octroi de JRTT, la question s’est posée de l’incidence des jours fériés chômés sur la prise desdits JRTT. La Cour de cassation a arrêté le principe selon lequel « les jours de repos acquis au titre d’un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail [JRTT] ne peuvent pas être positionnés sur un jour férié chômé » (Cass. soc. 11 juillet 2007, 06-41575). Le salarié doit pouvoir cumuler JRTT et jours fériés chômés. Ces jours ne se confondent pas.

La haute juridiction a réaffirmé ce principe s’agissant de sociétés situées dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (Cass. soc. 11 juillet 2007, 06-40567 ; Cass. soc. 16 février 2012, 09-70617). En conséquence, les salariés concernés doivent bénéficier, par rapport à ceux du reste de la France, de deux jours fériés chômés supplémentaires (vendredi saint et le 26 décembre). Subséquemment, le nombre de JRTT, qui leur est octroyé par ailleurs, doit être entièrement ajouté à l’ensemble des jours fériés et non diminué d’autant. La Cour de cassation précise, en effet, que la pratique de l’employeur ne doit pas faire perdre « au salarié le bénéfice de deux jours fériés auxquels il pouvait prétendre en application du droit local d’Alsace-Moselle » (Cass. soc. 16 février 2012, susmentionné).

Le principe était donc acté et semblait ne souffrir aucune exception. Toutefois, La Cour de cassation vient de rendre un arrêt semblant, à première vue, contradictoire (Cass. soc. 3 juin 2015, 13-25542).

Dans l’entreprise concernée, un accord organise le temps de travail de certains salariés en forfait-jours. Il fixe une durée annuelle de travail à 206 jours au maximum. En outre, il stipule que les salariés bénéficient, tous les ans, de 56 jours de repos incluant (i) 25 jours ouvrés de congés payés annuels, (ii) les jours chômés (jours fériés et de congés conventionnels supplémentaires) et (iii) les JRTT.

Une annexe de cet accord est consacrée aux salariés de Moselle. Elle prévoit que les 56 jours de repos annuel comprennent, au-delà des JRTT, les 25 jours ouvrés de congés payés annuels et les jours fériés applicables sur l’ensemble du territoire outre les deux jours fériés chômés supplémentaires résultant des dispositions particulières aux départements de Moselle, du Bas Rhin et du Haut-Rhin. Le nombre de JRTT des salariés mosellans est donc corrélativement réduit de deux jours (vendredi saint et le 26 décembre) par rapport aux salariés du reste du territoire français.

En conséquence, les deux jours fériés supplémentaires accordés aux salariés d’Alsace-Moselle, sont compensés dans cette entreprise par le nombre de JRTT diminués d’autant. En d’autres termes, ces salariés bénéficient du même nombre de jours de repos (congés payés + jours chômés + JRTT) que les salariés du reste de la France, nonobstant des dispositions légales plus favorables.

Considérant que cette pratique mettait à néant le droit à deux jours fériés supplémentaires accordé aux salariés d’Alsace-Moselle, un salarié a saisi les juridictions prud’homales d’un rappel de salaire pour les journées correspondant aux vendredis saints et 26 décembre dont il prétendait n’avoir pas bénéficié.

Ledit salarié considérait que l’accord revenait à positionner, pour les salariés mosellans, des jours de repos, acquis et dus, sur des jours fériés chômés. Ce qui ne peut pas se faire d’après la jurisprudence susmentionnée, les jours fériés et les JRTT devant se cumuler et non se confondre.

Les juridictions ne lui ont pourtant pas fait droit. La Cour de cassation a constaté que l’accord litigieux stipulait uniquement un nombre de jours de travail annuel maximum fixé à 206 jours (et non un nombre de JRTT fixe). Dès lors que ce maximum est respecté, le salarié, « tout en bénéficiant de tous ses repos hebdomadaires, de tous ses congés payés et de treize jours fériés et chômés dans l’entreprise », ne peut pas réclamer de rappel de salaire.

Cette décision, à première vue contradictoire avec les précédentes, est due au fait que l’accord organisant les forfait-jours ne stipule pas un nombre précis de JRTT annuels. Ce dernier doit être déterminé chaque année en fonction du nombre (i) de congés payés et (ii) de jours chômés dans la limite de 56 jours. Il peut donc varier tous les ans. Or, le nombre de jours chômés inclut le vendredi saint et le 26 décembre. Ainsi, dans cette entreprise, le nombre de JRTT des salariés d’Alsace-Moselle est inférieur de 2 jours par rapport à celui des salariés du reste du territoire national.

En revanche, si l’accord organisant le temps de travail avait stipulé un nombre précis de JRTT, le principe arrêté précédemment par la Cour de cassation aurait été réaffirmé. Les JRTT n’auraient pas pu être positionnés sur un jour férié ; ils auraient dû se cumuler et non se confondre. Les salariés mosellans auraient bénéficié dudit nombre prédéterminé de JRTT outre tous les jours fériés chômés, y compris le vendredi saint et le 26 décembre.

Il convient donc d’être particulièrement vigilant dans la rédaction de l’accord, surtout en Alsace Moselle. Le nombre effectif de jours de repos du salarié en dépendra.

Romain PIETRI

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