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CJUE, 2ème chambre, 21 octobre 2015

A rebours des conclusions de l’avocat général, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a jugé dans son arrêt du 21 octobre 2015 que l’offre de vidéos d’un site de presse peut, sous certaine conditions, être qualifiée de service de médias audiovisuels (SMA). De tels contenus entrent donc dans le champ de la directive 2010/13/UE sur les SMA et sont dès lors soumis à la réglementation des CSA européens.

Pour rappel, la directive SMA définit dans son article 1er le SMA comme un service dont « l’objet principal est la fourniture de programmes dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public », c’est-à-dire une émission télévisée ou un service de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

L’affaire concerne en l’espèce un journal en ligne autrichien, qui comprend principalement des articles de presse écrite mais également un sous domaine vidéo. Ce dernier donne accès à un catalogue de recherche qui permet de regarder plus de 300 vidéos, de longueur variable et portant sur des sujets divers. Alors que les autorités autrichiennes considèrent qu’il s’agit d’un SMAD, la CJUE est saisie afin d’interpréter la directive SMA.

La Cour Européenne interprète tout d’abord la notion cœur de programme, définie à l’article 1er, §1 sous b) de la directive comme un « ensemble d’images animées, (…) constituant un seul élément dans le cadre d’une grille ou d’un catalogue établi par un fournisseur de services de médias et dont la forme et le contenu sont comparables a? ceux de la radiodiffusion télévisuelle ». Les juges de Bruxelles soulignent que la durée de la vidéo est indifférente mais surtout que les contenus en cause entrent en concurrence avec d’autres services de médias audiovisuels. En effet, les vidéos extraites de bulletins d’informations locales concurrençant les services d’information offerts par les radiodiffuseurs régionaux tandis que les vidéos de courte durée concernant des événements culturels ou sportifs ou des reportages récréatifs entrent en concurrence avec les chaînes musicales, sportives et les émissions de divertissement. Aussi, la mise à disposition de telles vidéos, sur un sous domaine du site internet d’un journal, relève-t-elle bien de la notion de « programme » au sens de la directive.

Restait à déterminer si la fourniture de programme constitue l’objet principal du sous domaine de vidéos. Sur ce point, la CJUE est confrontée au fait que les services dont le contenu audiovisuel n’est que secondaire ainsi que la version électronique des journaux et des magazines sont exclus du champ de la régulation. Elle va contourner ces deux écueils en requérant des juridictions nationales une analyse au cas par cas, afin d’établir si le service en cause a un contenu autonome par rapport à ceux des activités journalistiques, ou s’il en constitue un complément indissociable.

Cette approche permet aux juges de Bruxelles de considérer qu’une « section vidéo qui, dans le cadre d’un site Internet unique, remplirait les conditions pour être qualifiée de service de média audiovisuels à la demande ne perd pas cette caractéristique pour la seule raison qu’elle est accessible à partir du site internet d’un journal ou qu’elle est proposée dans le cadre de celui-ci ». Les vidéos ne peuvent donc pas être automatiquement exclues de la régulation au seul motif que l’exploitant du site internet est une société d’édition d’un journal en ligne.

Une approche personnelle et formaliste, fondée sur la qualité de l’opérateur, est donc rejetée au profit d’une appréciation du contenu. Face au risque d’abus et dans une perspective de protection du consommateur, cette interprétation a le mérite d’éviter que des opérateurs, fournisseurs de services de médias audiovisuels, utilisent leur portail d’information multimédia pour échapper à la réglementation. Néanmoins, l’ampleur du lien requis entre l’offre audiovisuelle et textuelle reste encore à préciser.

Par ailleurs, bien que la mise en œuvre de cette approche matérielle soit laissée aux soins des juridictions nationales, la CJUE ne peut s’empêcher en l’espèce d’empiéter sur la compétence du juge du fond. Elle estime que peu d’articles sont reliés aux séquences vidéos et que ces dernières sont consultables indépendamment des articles. Dès lors, le service serait bien distinct des autres services du site et sa régulation relèverait de l’autorité autrichienne.

Mais encore, la portée de la présente décision risque d’embrasser un champ bien plus large que les seuls sites de presse en ligne. La qualification de SMA se poserait alors pour tout site offrant un contenu audiovisuel, peu importerait sa finalité. Cette décision pourrait donc avoir un impact majeur pour ces acteurs, qui devront, si une telle qualification est retenue, se soumettre en France à une obligation de déclaration auprès du CSA.

Noémie TASHJIAN

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