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Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Ch. 2, 20 novembre 2005

Cette décision de la cour d’appel de Paris offre un nouvel exemple de reprise de l’usage d’une marque susceptible de faire obstacle à la demande en déchéance.

En l’espèce, le magazine « Jours de France », consacré à l’actualité des stars et des têtes couronnées, pour l’exploitation duquel la marque éponyme avait été déposée en 1954, avait cessé d’être édité en 1989. En 2011, le Figaro décide de relancer le magazine, d’abord sous un format numérique puis sous format papier. La reprise de l’exploitation se heurte aux revendications de la société Entreprendre dont la marque « Jour de France » a été déposée en 2003, pour désigner des produits de la même classe. Suite à une mise en demeure du Figaro de cesser la diffusion du périodique, ce dernier assigne la société Entreprendre en contrefaçon de marque, de droits d’auteur et en réparation d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

La cour d’appel de Paris infirme le jugement de première instance et accueille les demandes du Figaro. En effet, elle refuse de prononcer la déchéance de la marque « Jours de France », en retenant que le Figaro a démontré la reprise d’un usage sérieux de sa marque.

En effet, au titre de l’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle, la déchéance est encourue en l’absence d’usage sérieux sur une période ininterrompue de cinq ans. Néanmoins, la reprise d’un tel usage postérieurement à cette période peut permettre d’écarter la demande en déchéance, sous réserve qu’elle n’intervienne pas de manière suspecte, c’est-à-dire en réaction à la menace d’une action en déchéance.

Par une interprétation a contrario de cette disposition, la cour d’appel de Paris valide la reprise tardive de l’exploitation, dans la mesure où elle n’était pas intervenue dans cette période suspecte. Dès lors, la reprise de l’exploitation était susceptible de faire obstacle à la demande en déchéance de la société Entreprendre, sous réserve de la démonstration d’un usage sérieux de la marque.

Dans le cadre de l’appréciation du caractère sérieux de l’usage, la cour d’appel de Paris s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne1 qui privilégie une appréciation in concreto, reposant sur les caractéristiques spécifiques du produit et du marché correspondant. A cet égard, elle refuse de fixer un seuil quantitatif, au-delà duquel le caractère sérieux de l’usage serait démontré.

Une fois ce principe réaffirmé, elle procède à l’analyse des circonstances du litige. Elle examine d’abord la reprise de l’usage de la marque dans le cadre de la publication en ligne du magazine « Jours de France » puis la reprise de l’exploitation de la marque lors de la réédition du même magazine sous format papier.

La Cour affirme que ce magazine en ligne correspond à une publication de presse à part entière, peu important que les mentions légales du site redirigent vers le site du Figaro. A juste titre, elle refuse de déduire l’absence d’utilisation commerciale de la marque du défaut de proposition d’abonnements, commandes ou inscription à l’utilisateur.

La société du Figaro entendait rapporter la preuve de la fréquentation du site, à l’appui du caractère sérieux de l’usage de sa marque. Mais le rapport d’audience ainsi fourni était, selon la société Entreprendre, faussé par la présence de robots parcourant le web pour en extraire des données. Or, ce rapport distinguait les visiteurs « uniques », ce qui permet à la Cour d’affirmer que la fréquentation du site était démontrée tout en précisant que le critère quantitatif n’était pas réellement pertinent d’autant plus que la diffusion sur internet est de toute manière « de nature à assurer le rayonnement du produit ». De même, le critère quantitatif est écarté lorsque la Cour examine la reprise de l’usage correspondant à la publication papier du magazine.

La cour d’appel de Paris constate ainsi la reprise d’un usage réel et sérieux de l’exploitation de la marque, pour écarter la demande en déchéance. La contrefaçon de la marque « Jours de France » par imitation est ainsi prononcée. La demande de la société du Figaro au titre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme de la société Entreprendre est également accueillie : la société Entreprendre a créé un risque de confusion dans l’esprit du public et a profité de la valeur économique du titre de presse du Figaro.

1CJUE, 11 mars 2003, Ansul ; CJUE, 27 janvier 2004, La Mer Technology

Oriane PICARD

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