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Rupture du contrat de travail

Le casse-tête de l’ordre des licenciements : critères et périmètre

  19 janvier 2016mars 23rd, 2018Aucun commentaire
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Article L.1233-24-4 du Code du travail et Décret N°2015-1637 du 10 décembre 2015

Pour les entreprises soumises à l’obligation d’établir un PSE, l’employeur peut désormais définir unilatéralement un périmètre plus restreint que l’entreprise pour l’application des critères d’ordre des licenciements pour motif économique. Ce périmètre ne pourra toutefois pas être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi.

Concept souvent obscur pour les non-initiés, l’ordre des licenciements est une notion incontournable dans l’approche des licenciements pour motif économique, aussi bien collectifs qu’individuels.

Dès lors qu’un employeur envisage une réduction d’effectif, se pose la question du choix.

Par définition, le choix ne peut s’effectuer à l’origine sur des considérations professionnelles individuelles puisque le motif est d’ordre économique, et non personnel. Avant tout ce sont des postes qui sont supprimés, relevant de catégories professionnelles précises.

Les critères d’ordre ont vocation à s’appliquer si plusieurs personnes occupent un poste relevant de la même catégorie professionnelle dans le périmètre de l’entreprise. On le comprend donc bien, un « départage » peut s’avérer nécessaire même lorsqu’un seul poste est supprimé dès lors que plusieurs salariés relèvent de la même catégorie professionnelle visée.

Pour savoir qui sera visé in fine, le législateur a posé des critères afin que la désignation des employés procède de règles objectives claires et prédéterminées. Il a donc posé des critères devant impérativement être pris en compte, laissant à l’employeur la possibilité d’en ajouter et de les pondérer, pour autant que ces ajouts et pondérations n’aient pas pour effet d’éluder l’un des critères légaux ou de conduire à une discrimination.

Il va de soi que les critères ajoutés ne peuvent être ni illicites ni subjectifs.

Le cas échéant, l’employeur doit également respecter les dispositions conventionnelles applicables.

L’objectif du législateur est louable en ce qu’il tend à éviter discrimination et subjectivité et à s’assurer qu’une procédure économique ne soit détournée pour écarter de l’entreprise des salariés « choisis » pour de toutes autres considérations qu’économiques.

Pour autant le concept a révélé des effets pervers dans sa mise en pratique.

Le premier est incontestablement lié à la complexité et la lourdeur du processus qui impose un travail préalable d’identification de catégorie professionnelle, puis de pondération des critères légaux, conventionnels et le cas échéant complémentaires.

Le second réside dans une conséquence aussi inattendue que dommageable dans les situations où la réduction d’effectif vise un site géographique bien particulier. Prenons l’exemple de la fermeture d’une usine dans le sud de la France. Si l’entreprise dispose de plusieurs autres sites industriels, l’application des critères peut parfaitement conduire à désigner des salariés des autres sites pourtant non menacés de fermeture.

L’usine du sud n’en fermera pas moins et à défaut d’accepter un reclassement imposant peut être un déplacement à l’autre bout de la France, bon nombre des salariés de ce site se trouveront également licenciés.

A l’arrivée, l’application des critères d’ordre des licenciements sur tout le périmètre de l’entreprise peut donc conduire à augmenter le nombre des licenciements, au pire à le doubler.

L’idée du législateur n’était certainement pas d’aggraver ainsi les choses.

Afin de limiter cet impact préjudiciable tant à l’entreprise qu’aux salariés, la Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juillet 2013 avait déjà consacré la possibilité de fixer par accord majoritaire un périmètre plus restreint pour l’application des critères d’ordre dans le cadre de PSE – le périmètre retenu étant logiquement destiné à correspondre à la zone géographique de l’entreprise économiquement menacée.

A défaut de disposition légale explicite, se posait néanmoins la question du document unilatéral établi par l’employeur à défaut d’accord majoritaire : ce document pouvait-il lui aussi prévoir un périmètre autre que celui de l’entreprise ? La loi Croissance et activité dite « Macron » du 6 août 2015 est venue lever l’incertitude par l’affirmative.

Restait à savoir jusqu’à quel point le périmètre pouvait être réduit de façon unilatérale. Le Décret N°2015-1637 du 10 décembre 2015 apporte la réponse : Le périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi.

Ces zones d’emploi sont celles de l’Atlas INSEE, créées à des fins statistiques en 1983/84, révisées en 1993/94 et réactualisées en 2010.

L’employeur devra donc s’y référer pour éviter toute critique et risque de condamnation.

Rappelons que l’inobservation des règles afférentes aux critères d’ordre expose l’employeur à une contravention de 4ème classe (par infraction) et ouvre droit au salarié au paiement de dommages intérêts – en pratique l’indemnisation correspond à celle accordée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, la mise en lumière d’une pratique discriminatoire pourrait conduire un salarié à solliciter l’annulation de son licenciement. Un tel risque, aux conséquences financières et matérielles particulièrement lourdes, impose donc une attention toute particulière même si ce risque est en pratique limité par le fait que la charge de la preuve pèserait sur le salarié et que l’intention discriminatoire ne se présume pas.

Virginie DELESTRE

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