Le 29 décembre 2011, la société The Coca-Cola Company avait demandé à l’OHMI l’enregistrement en tant que marque communautaire du signe tridimensionnel suivant :
Le 23 janvier 2013, l’enregistrement de ce signe tridimensionnel, pour une partie des produits visés à l’enregistrement et notamment ceux-ci-avant mentionnés, avait été refusé par l’examinateur de l’OHMI. Celui-ci estimait que la marque demandée était, pour ces produits, dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, §1, b) du règlement communautaire n°207/2009 sur la marque communautaire. Il estimait également que la société The Coca-Cola Company ne démontrait pas que ce signe tridimensionnel avait acquis un caractère distinctif, en application du §3 de ce même article.
Le 27 mars 2014, cette décision fut confirmée par la 2ème chambre de recours de l’OHMI.
Par une décision du 24 février 2016, le tribunal de 1ère instance de l’Union européenne a également approuvé le refus d’enregistrement de ce signe tridimensionnel.
Si « tous les signes susceptibles d’une représentation graphique » peuvent constituer des marques communautaires (article 4 du règlement communautaire n°207/2009), encore faut-il que ceux-ci soient pourvus d’un caractère distinctif, faute de quoi leur enregistrement sera refusé (article 7, §1, b) du règlement communautaire n°207/2009).
La jurisprudence estime que le caractère distinctif d’une marque doit permettre aux consommateurs « d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises », et qu’il doit être apprécié « d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services » (décision T-411-114, §34 et 35).
Par conséquent, un conditionnement, tel qu’une bouteille, peut revêtir un caractère distinctif, s’il « diverge de la norme ou des habitudes du secteur », ce qui aura pour effet de permettre « au consommateur moyen du produit concerné, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer ce produit de ceux des autres entreprises » (décision T-411-114, §38 et 39).
En l’espèce, pour apprécier le caractère distinctif du signe tridimensionnel, le tribunal valide la méthode employée par la chambre de recours de l’OHMI, qui avait procédé à un examen successif des différents éléments le composant. Le tribunal estime que les parties basse, centrale et supérieure de la bouteille présentent des « caractéristiques plus ou moins semblables » aux bouteilles disponibles sur le marché. Par conséquent, le tribunal conclut que « la marque demandée est constituée par une combinaison d’éléments dont chacun (…) est dépourvu de caractère distinctif par rapport à ces produits » (décision T-411-114, §45 à 48). S’il est possible que la distinctivité résulte de la manière dont sont combinés ces éléments dépourvus de caractère distinctif, tel n’est pas le cas en l’espèce, le tribunal estimant que le signe n’est rien d’autre que « la somme des éléments dont la marque demandée est composée » (décision T-411-114, §49 et 50).
Le tribunal confirme également la décision de la chambre de recours de l’OHMI, qui avait estimé que The Coca-Cola Company ne démontrait pas que ce signe tridimensionnel avait acquis un caractère distinctif par l’usage, en application du §3 de ce même article.
Tout d’abord, le tribunal précise qu’en présence d’un signe non-verbal, l’appréciation du caractère étant la même dans tous les pays européens, le requérant doit démontrer que son signe a acquis un caractère distinctif « dans toute l’Union », et « qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie, grâce à la marque, les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée » (décision T-411-114, §67 à 69). Le tribunal liste ensuite les facteurs dont il peut être tenu compte pour l’apprécier : parts de marché détenues par la marque, intensité, étendue géographique, durée de l’usage, importance des investissements, proportion des milieux intéressés identifiant le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque… (décision T-411-114, §70 et 71). Mais le tribunal précise qu’il s’agit véritablement de la combinaison de ces éléments qui permet d’apprécier si le signe a acquis un caractère distinctif, qui ne peut être établi « par la seule production des volumes de vente et du matériel publicitaire », ni du « seul fait que le signe ait été utilisé sur le territoire de l’Union depuis un certain temps » (décision T-411-114, §72).
En l’espèce, afin de démontrer que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage, The Coca-Cola Company avait notamment produit des enquêtes réalisées dans dix Etats membres de l’Union européenne. Mais s’il était bien démontré que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage dans ces dix pays, le tribunal estime que ceux-ci ne sont pas représentatifs de « toute l’Union », et qu’il ne lui appartient pas de faire des suppositions concernant les 17 autres états membres, pour lesquels aucune donnée n’était fournie. Le tribunal conclut donc que The Coca-Cola Company ne démontrait pas que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage « dans l’ensemble de l’Union pour une partie significative du public pertinent » (décision T-411-114, §80 et 81).
The Coca-Cola Company communiquait également les investissements qu’elle avait réalisés dans la publicité et dans la communication. Mais le tribunal estime que ces données ne permettent pas de distinguer quels conditionnements sont concernés, et qu’ « il n’est donc pas possible de tirer des conclusions (…) quant à la perception de la marque demandée par le public pertinent » (décision T-411-114, §82).
Enfin, le tribunal rappelle que les chiffres de vente et le matériel publicitaire ne peuvent que servir à corroborer les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage, mais ne permettent pas, per se, de caractériser son existence. Le tribunal constate notamment que les données fournies ne permettent pas de distinguer les chiffres de vente concernant spécifiquement le signe dont l’enregistrement était demandé. Les chiffres fournis semblaient en effet mêler indistinctement ceux concernant la bouteille avec cannelure (antérieurement déposée en tant que marque non-verbale) et ceux de la bouteille sans cannelure, que The Coca-Cola Company souhaitait voir protégée par le droit des marques.
Antoine JACQUEMART