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Cass. Crim., 31 mars 2016

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé récemment que le renvoi par un lien hypertexte à une vidéo contenant des menaces de mort proférées par des tiers n’est pas susceptible de constituer, à lui seul, la commission par le prévenu de l’infraction prévue par l’article 433-3 du code pénal.

Le prévenu était l’administrateur d’un site internet (blog) sur lequel il avait créé un lien permettant d’accéder à une vidéo mise à disposition sur le site Dailymotion. Cette vidéo, dont l’auteur n’avait pas pu être identifié au cours de l’instruction, adressait des propos menaçant (« on aura ta peau ») le directeur départemental de la sécurité publique de la Vienne, dont le nom était révélé. L’intéressé portait plainte contre l’éditeur du site ayant relayé la vidéo par un lien et se constituait partie civile pour des faits de menaces de mort à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique (article 433-3 du code pénal).

Reconnaissant la création du lien vers ladite vidéo sur son site, le prévenu était renvoyé devant le tribunal correctionnel et jugé coupable du délit. Le jugement était confirmé en appel, au motif que le prévenu, en créant un lien hypertexte offrant un accès facile et direct à cette vidéo et contribuant à sa propagation, s’est rendu coupable de diffusion d’un message contenant des menaces de mort.

La Cour de cassation annule l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers, au motif que l’infraction de menaces de mort n’était pas constituée par le seul fait de la création d’un lien par l’administrateur d’un site renvoyant vers une vidéo dont il n’était pas établi qu’il était l’auteur.

Cette décision est à mettre en balance avec l’actualité riche au regard de la responsabilité des intermédiaires du fait de la publication d’un lien hypertexte.

En matière pénale, le tribunal correctionnel de Paris a condamné il y a un an l’éditeur de site dédié à la fourniture de liens dirigeant vers des œuvres contrefaites (TGI Paris, Ch. Correctionnelle, 2 avril 2015) en retenant que « le lien constitue donc bien une « diffusion » et une « mise à disposition » de l’œuvre contrefaite »).

En matière civile, l’opérateur de l’agrégateur de liens Rojadirecta a quant à lui été condamné à supprimer la totalité des liens permettant de visionner des rencontres sportives en contrefaçon des droits de la Ligue de Football Professionnelle (TGI Paris, 19 mars 2015).

Enfin, l’on notera que la future Loi pour une République Numérique, actuellement en discussion au parlement, a introduit dans sa dernière version un devoir de diligence qui pèsera sur les « opérateurs de plateformes en ligne », qui seront « tenus d’agir avec diligence en prenant toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de contenus et de produits contrefaisants ». Cet amendement adopté au Sénat devra faire l’objet d’une discussion lors de la lecture du texte à l’Assemblée Nationale.

Loïc FOUQUET

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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.

 

Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.

 

La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».

 

Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.

 

En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe Image de la marquen’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.

 

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

 

La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe Image de la marque, avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».

 

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.

 

 

Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.

 

La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.

 

Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.

 

Antoine JACQUEMART

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