En effet, l’article L.4131-1 du Code du travail autorise tout salarié à alerter l’employeur en présence d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
De son côté, l’article L.1152-2 du Code du travail protège la victime et le témoin de harcèlement moral contre le licenciement et toute mesure de discrimination fondés sur de telles dénonciations.
La loi protège donc les auteurs d’une dénonciation relative à tout acte de harcèlement moral. Plus précisément, ces personnes ne peuvent pas être poursuivies :
– ni sur le terrain du droit du travail : il est interdit à l’employeur de prendre une quelconque sanction à ce titre, à peine de nullité (Article L.1152-2 du Code du travail)
– ni sur le terrain pénal : une personne ne peut pas être pénalement poursuivie pour avoir respecté ces prescriptions légales. il s’agit là d’un cas d’irresponsabilité pénale au sens de l’article 122-4 du Code pénal.
Aujourd’hui, la Cour de cassation vient renforcer l’effectivité de ce dispositif protecteur en écartant également toute possibilité de représailles sur le terrain de la diffamation. Tel est le premier apport de l’arrêt du 28 septembre dernier.
Les victimes et témoins de harcèlement moral bénéficient donc d’une quasi-immunité ; à l’exception de la voie de la dénonciation calomnieuse, s’il est avéré que l’auteur de la dénonciation était de mauvaise foi. Tel est le second apport de l’arrêt ici commenté.
En l’espèce, une salariée, s’estimant avoir été victime de harcèlement moral de la part de ses deux supérieurs hiérarchiques, avait envoyé, au DRH de la Société, une lettre dénonçant ces faits, dont elle a adressé une copie au CHSCT et à l’inspecteur du travail. Les personnes mises en cause s’estimant diffamées, celles-ci avaient alors assigné l’auteur de la dénonciation devant les juridictions civiles sur le fondement de la loi de 1881 protégeant la liberté de la presse, pour obtenir réparation de leurs préjudices.
Dans un premier temps, la Cour de cassation écarte l’application des exigences probatoires issues de la loi de 1881 qui pèseraient sur le salarié en cas de poursuites pour dénonciation, jugées par les Hauts magistrats de nature à entraver « l’effectivité du droit, que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a reconnu au salarié, de dénoncer, auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont il estime être victime ».
« Dès lors, la relation de tels agissements, auprès des personnes précitées, ne peut être poursuivie pour diffamation ».
Par cet arrêt, les Hauts magistrats confirment donc que le salarié victime ou témoin d’un harcèlement moral possède une réelle « licence de dénoncer ».
En revanche, si la mauvaise foi du salarié est établie, rien n’empêche d’agir sur le terrain de la dénonciation calomnieuse :
« toutefois, lorsqu’il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue ; »
Prévue par l’article 226-10 du Code pénal, la dénonciation calomnieuse se définit comme le fait de dénoncer un fait que l’on sait totalement ou partiellement inexact et qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires contre une personne déterminée.
Attention toutefois, les personnes s’estimant lésées par la dénonciation du salarié qui a porté lesdites accusations devront rapporter la preuve des conditions prescrites par cet arrêt afin de pouvoir qualifier la dénonciation calomnieuse.
Si la preuve est rapportée, alors l’auteur de la dénonciation calomnieuse pourra encourir 5 ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende (L226-10 du Code pénal).
A noter enfin, que la première Chambre civile :
– Ne vise que les auteurs de la dénonciation, et non les témoins de harcèlement
– Retient ici la même définition de la mauvaise foi que la chambre sociale.
En effet, en matière sociale, il est admis que la mauvaise foi peut être invoquée disciplinairement dans le cadre d’une dénonciation calomnieuse, à condition toutefois que le salarié doit avoir eu connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits qu’il allègue (Cass. Soc. 7 février 2012, 10-18035).
Tel est le par exemple le cas des accusations mensongères proférées avec intention de nuire (Cass. Soc. 6 juin 2012, 10-28345).
Bettina SCHMIDT