Les dispositions d’ordre public de l’article L.1243-1 du Code du travail, dont il résulte que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme que dans les seuls cas visés par ce texte, ne prohibent pas la stipulation de conditions suspensives.
En l’espèce, une joueuse de basket professionnelle avait été engagée par une association sportive suivant deux CDD successifs. Le premier concernait la période du 1er juin 2008 au 31 mai 2010 ; le second avait été conclu le 1er avril 2010 pour la période allant du 1er juin 2010 au 30 mai 2011. La salariée ayant été victime d’un accident du travail le 4 mai 2010, elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail le 10 octobre 2010 et saisissait la juridiction prud’homale de demandes au titre de la rupture et de l’exécution de son contrat de travail.
Conformément à la réglementation spécifique au basket professionnel, le second CDD comportait une disposition qui subordonnait l’engagement définitif de la salariée à l’enregistrement par les services de la fédération française de basket-ball du contrat et au passage par la joueuse d’un examen médical pratiqué au plus tard trois jours après son arrivée pour sa prise de fonctions.
L’entrée en fonctions de la salariée et l’exécution du contrat de travail dépendant de conditions futures et incertaines, c’est-à-dire l’enregistrement du contrat par la fédération et le résultat positif de l’examen médical, celles-ci devaient être analysées comme des conditions suspensives.
Aussi, les juges du fond constatant l’absence d’examen médical, ils donnèrent plein effet à la condition suspensive, considérant que le contrat n’avait pas pris effet et que la prise d’acte de la rupture de son contrat par la salariée était sans objet. Ils considérèrent que, dès lors qu’une condition suspensive est licite et que le contrat n’a pas reçu de commencement d’exécution, celle-ci devait produire tous ses effets.
La salariée soutenait, au contraire, que les dispositions d’ordre public limitant les possibilités de rupture d’un CDD avant son terme (pour mémoire, l’accord des parties, la faute grave, la force majeure ou l’inaptitude constatée par le médecin du travail, C.trav.art.L.1243-1) faisaient obstacle à la réalisation de la condition suspensive. En effet, de telles dispositions étaient de nature à faire barrage à toute clause conventionnelle instituant une autre cause de rupture défavorable au salarié (Cass.Soc.10 février 2016, 14-30095).
La Cour de cassation ayant déjà été confrontée à des faits similaires par le passé, elle avait considéré qu’en présence d’un CDD ayant reçu commencement d’exécution, le contrat était valable et soumis aux seules conditions légales de rupture anticipée (Cass. Soc. 1er juillet 2009, 08-40023). Dans cette espèce, la condition suspensive ne pouvait être invoquée, car le basketteur avait commencé ses entraînements avant d’être déclaré inapte.
Dans notre affaire, la Cour de cassation devait donc déterminer si le CDD avait reçu un commencement d’exécution ou non, c’est-à-dire si l’accident du travail était intervenu avant le début du second CDD.
Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle dans une formulation très générale que les limitations légales de rupture du CDD avant son terme n’interdisent pas la stipulation de conditions suspensives. Ce faisant, elle confirme que la condition de passage par la joueuse d’un examen médical pratiqué au plus tard trois jours après son arrivée pour sa prise de fonctions s’analyse bien en une condition suspensive.
Dans un second temps, suivant le raisonnement des juges du fond, la Cour de cassation constate que la joueuse n’a pas pris ses fonctions. Dès lors, elle en conclut que le CDD n’avait jamais reçu de commencement d’exécution et que la condition suspensive devait produire tous ses effets.
Malgré la continuité de la relation de travail du fait de la succession des deux CDD, l’absence de commencement d’exécution était tout de même facilement identifiable en raison de la survenance d’un accident du travail.
Dans d’autres circonstances, la preuve de l’absence de prise de fonctions pourrait être plus difficile à rapporter. Dès lors, une vigilance certaine s’impose à l’employeur, tant sur la rédaction de la condition suspensive, que sur la date de prise de fonctions du salarié.
Manon CAVATORE