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Cass. Soc. 23 mars 2017, 15-23090

En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur est, en principe, libre de choisir la sanction qui lui paraît adaptée au comportement qu’il considère comme fautif du salarié. Certes, à condition cependant que la sanction soit :

1) régulière en la forme, justifiée et proportionnelle à la faute commise
2) et prévue par le règlement intérieur.

1) Une sanction disciplinaire régulière, justifiée et proportionnelle

Il s’agit là d’une première voie de contestation possible du salarié : en effet, un contrôle juridictionnel peut être opéré par le Conseil de prud’hommes, lequel « peut annuler une sanction irrégulière ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise » (cf. article L.1333-2 du Code du travail).

Ainsi, en cas de litige, les juges prud’homaux apprécient la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

Si la sanction, légitime au fond, a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, le juge accorde alors des dommages-intérêts, dont le montant est fixé souverainement par celui-ci (Cass. Soc. 5 novembre 1987, 84-43121).

Toutefois, lorsque le caractère injustifié ou disproportionné de la sanction déférée est relevé par les juges, la nullité doit alors être prononcée.

Le contrôle juridictionnel a toutefois ses propres limites : le juge ne peut pas en effet ni annuler une sanction qu’il estime trop clémente, ni modifier la sanction prononcée et en prendre une autre (Cass. Soc. 16 juillet 1987, 82-42249 ; Cass. Soc. 29 mai 1990, 87-43825).

2) Sans règlement intérieur, pas de sanction disciplinaire possible

Les dispositions des articles L.1321-1 & L.1311-2 du Code du travail sont très claires :

« Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :
[…]
3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur ». (L.1321-1)

« L’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement 20 salariés » (L.1311-2)

A l’aube de ces dispositions légales, le droit positif a construit parallèlement une jurisprudence attestant de l’immixtion du règlement intérieur dans le pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a posé en 2010, puis confirmé en 2013, le principe suivant : dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ledit règlement (Cass. Soc. 26 octobre 2010 09-42740 ; Cass. Soc. 12 décembre 2013, 12-22642).
Dans ces deux affaires il existait bien dans l’entreprise un règlement intérieur mais celui-ci ne prévoyait pas la sanction de mise à pied disciplinaire infligée au salarié. La position de la Haute Cour est dès lors sans appel : lorsque l’employeur est tenu d’élaborer un règlement intérieur, celui-ci ne peut pas prononcer d’autres sanctions que celles qui y sont prévues.

En 2016, la Cour d’appel de Rennes a statué dans le même sens s’agissant de l’avertissement : celui-ci est nul dès lors que l’entreprise n’avait pas établi un tel règlement à la date du prononcé de la sanction (CA Rennes 7-9-2016 n° 14/04110).

Aujourd’hui, dans l’arrêt rendu le 23 mars dernier, la Haute Cour offre désormais une portée générale à sa jurisprudence établie, et ce quelle que soit la sanction déférée :

« Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail ; »

Désormais, l’employeur ne peut prononcer une sanction disciplinaire autre que le licenciement que si elle est prévue par le règlement intérieur.

Aussi, aujourd’hui une chose est sûre : il deviendrait extrêmement périlleux de faire l’impasse sur l’adoption d’un règlement intérieur, et cela pour deux raisons :

– Rappelons en premier lieu que le défaut de règlement intérieur peut être relevé par l’Inspection du travail, et que cette infraction est passible d’une contravention de 5ème classe.
– L’absence de règlement intérieur revient tout simplement à vider le pouvoir disciplinaire de l’employeur de toute sa substance.

Reste que toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par 2 ans (article L.1471-1 du Code du travail).

Reste enfin à avoir à l’esprit une approche pragmatique et opérationnelle : quitte à adopter un règlement intérieur, autant qu’il contienne des sanctions réellement utilisables, utilisées et en phase avec la culture de l’entreprise.

Bettina SCHMIDT

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