Le Conseil d’Etat a jugé que les gains d’un joueur de tennis professionnel, de nationalité allemande, obtenus à l’occasion de tournois organisés par la Fédération Française de Tennis étaient présumés avoir été acquis dans le cadre d’un contrat de travail et étaient de ce fait imposables en France dans la catégorie des traitements et salaires.
Dans cette affaire, un joueur de tennis avait fait l’objet d’un redressement (selon la procédure de taxation d’office prévue par les articles L.66 et L.67 du Livre des procédures fiscales), au terme duquel les revenus perçus au titre des prestations sportives qu’il avait exécutées en France au cours des années 1990, 1991 et 1992 ont été imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Le joueur a ainsi été soumis par l’administration fiscale française à des cotisations d’impôts sur le revenu et aux pénalités correspondantes au titre des gains obtenus lors des tournois de tennis de Paris-Bercy, Monte-Carlo et de Roland-Garros.
Contestant le redressement dont il faisait l’objet, le sportif a saisi la juridiction administrative, mais le tribunal administratif de Nice (TA Nice, 12 décembre 2004, n°9504156), puis la Cour Administrative d’Appel de Marseille (CAA Marseille, 4 avril 2008, n°05MA00519) ont confirmé la position de l’administration. La Cour d’Appel a même accueilli la demande de substitution de base légale de l’administration tendant à imposer ces gains dans la catégorie des traitements et salaires et non dans celle des bénéfices non commerciaux.
Pour fonder cette position, l’administration suivie par la Cour Administrative d’appel puis par le Conseil d’Etat a considéré que l’article L.7121-3 du Code du travail (ancien article L.762-1 du Code du travail), selon lequel tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité, objet de contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
Le Conseil d’Etat confirme l’application de ces dispositions à un sportif en indiquant que « ces dispositions, eu égard à la généralité de leurs termes, qui ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle et n’imposent aucun aspect culturel particulier à l’activité déployée par ceux-ci, sont applicables aux joueurs de tennis professionnels engagés dans des tournois du type de ceux que la Fédération Française de Tennis organise ». Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise « qu’aucune disposition du Code général des impôts ne fait obstacle à ce que les gains perçus par ces joueurs soient classés pour l’assiette de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ».
Concernant les gains obtenus lors des tournois de Monte-Carlo, le Conseil d’Etat considère qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les gains versés par la Fédération Française de Tennis n’auraient pas été directement versés au joueur et considère que les prestations sportives qu’il a accomplies à l’occasion de ces tournois étaient en application des dispositions de l’article L.7121-3 du Code du travail, intervenues dans le cadre d’un contrat de travail et que les gains perçus à cette occasion devaient donner lieu à imposition en France dans la catégorie des traitements et salaires.
Concernant les gains obtenus lors des tournois de Roland-Garros et de Paris-Bercy, ceux-ci avaient été perçus par le biais d’une société intermédiaire de droit néerlandais mais pour le Conseil d’Etat ce schéma ne fait pas pour autant obstacle à l’application de l’article L.7121-3 du Code du travail dès lors qu’elle ne suppose pas la constatation de l’existence d’un lien de subordination entre l’entrepreneur de spectacle et la personne qui se produit et n’exige pas que le contrat conclu en vue de sa production soit passé directement avec elle, ni que la rémunération lui soit versée directement par l’entrepreneur de spectacle.
Les sommes perçues par la société intermédiaire néerlandaise pouvaient ainsi, selon le Conseil d’Etat, être imposées en France dans la catégorie des traitements et salaires. En outre, le Conseil d’Etat précise que lorsqu’un contribuable a confié à un tiers le soin d’encaisser ses revenus professionnels, les sommes versées à ce tiers sont réputées être aussitôt mises à disposition du contribuable (quelque soit la date et les modalités de leur reversement effectif).
Le Conseil d’Etat confirme ainsi la position de la Cour Administrative d’appel qui avait jugé que le sportif pouvait être regardé comme le destinataire final des gains versés par la Fédération Française de Tennis à la société intermédiaire néerlandaise, dès lors que cette dernière agissait en qualité de mandataire du joueur en exécution des clauses d’un contrat qui la liait à ce sportif.
Il est intéressant de relever que pour redresser les sommes ainsi versées l’administration fiscale disposait d’un autre fondement plus « classique » : l’article 155A du Code général des impôts qui permet d’assujettir en France les sommes versées à des sociétés domiciliées à l’étranger dès lors que les sommes versées rémunèrent des prestations rendues en France ou par une personne domiciliée en France.
En l’espèce, l’administration et le Conseil d’Etat on délibérément choisi de qualifier de salaire les sommes perçues par un sportif à l’occasion d’un tournoi, qu’elles lui soient versées directement par l’organisateur ou par l’intermédiaire d’une société.
Dorothée SIMIC