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CA Paris, Pôle 5, 1ère Ch. 15 février 2012

Un projet économique dont la viabilité n’est pas établie ne permet pas de démontrer l’existence d’un intérêt suffisant à agir en déchéance.

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose que la déchéance des droits de marque peut être demandée en justice, pour tout ou partie des produits et/ou services couverts par l’enregistrement, par toute personne intéressée.

Sur ce fondement, l’éditeur du magazine BE avait assigné une société en déchéance de ses droits sur la marque BE désignant des vêtements, chaussures, chapellerie, jeux, jouets, articles de sport ainsi que les services de publicité, pour défaut d’exploitation sérieuse.

Le demandeur à l’action en déchéance faisait valoir, pour justifier de son intérêt à voir déchoir le défendeur de ses droits sur sa marque, un projet pluri-medias décliné sous la dénomination BE comprenant un magazine féminin, une application IPhone, un site marchand dédié à la vente de produits et accessoires de mode dérivés.

Après avoir rappelé qu’il appartient au demandeur de justifier de son intérêt à agir au regard de l’activité économique exercée, le Tribunal et la Cour d’appel déclarent le demandeur  irrecevable.

Les juges du fond procèdent à une analyse détaillée de l’activité économique en cause et relèvent que :
– la publication d’un titre de presse est très aléatoire
– le rayonnement d’un titre de presse ne s’acquiert qu’avec le temps
– les cas d’activité commerciale dérivée d’un titre de presse sont rares.

Se fondant sur la communication des trois numéros « 0 » du magazine, les magistrats jugent que rien n’indique que cette publication sera pérenne.

La demande en déchéance est donc considérée comme prématurée au regard de la viabilité du projet et à défaut de justifier d’un intérêt certain à voir les marque déchues pour les vêtements, chaussures, chapellerie, la société est déclarée irrecevable.

En revanche, dans la mesure où les numéros « 0 » des magazines produits contenaient de nombreuses insertions publicitaires, l’intérêt à agir est reconnu pour les services de publicité mais la demande rejetée, le titulaire de la marque ayant justifié de l’exploitation de sa marque BE pour ces services.

Traditionnellement, l’intérêt à agir du demandeur à l’action en déchéance est reconnu lorsque la demande tend à lever une entrave à l’utilisation du signe dans le cadre de son activité économique.

En spéculant sur la viabilité du projet économique pour statuer sur la recevabilité de l’action, les juges du fond ont introduit une nouvelle condition à l’exercice de l’action en déchéance qui va bien au-delà de l’intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

La Cour de cassation a d’ores et déjà jugé qu’il n’appartenait pas aux juges du fond, dans l’appréciation de l’intérêt à agir, d’examiner si l’usage ultérieur des signes litigieux était susceptible de se heurter à quelque obstacle résultant d’une confusion avec d’autres signes.
Il est donc fort probable que la motivation retenue par la Cour d’appel dans l’arrêt ici commenté soit sanctionnée.

Au vu de cette jurisprudence, l’on recommandera néanmoins aux demandeurs à l’action en déchéance de justifier, par la production de documents, de la pérennité de leur projet d’exploitation pour éviter de voir leur demande déclarée irrecevable.

Florence DAUVERGNE

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