Cet arrêt est le deuxième dans l’affaire relative à l’œuvre sculpturale intitulée « La Vague » de Camille Claudel, et se prononce notamment sur la notion d’exemplaire original en matière de sculpture.
Camille Claudel est l’auteur d’une sculpture en marbre et en onyx intitulée « La Vague ». Un tirage en bronze de cette sculpture, acquis par une société auprès d’une des petites-nièces de l’artiste, est exposé dans une galerie en vue de sa vente aux enchères publiques. Il y est présenté comme étant un « exemplaire original » de l’œuvre originelle.
Une autre petite-nièce de l’artiste fait alors procéder à la saisie-contrefaçon du tirage, estimant qu’il constitue une reproduction illicite de l’œuvre, puis saisit le tribunal compétent au fond. Les autres ayants droit de l’auteur interviennent volontairement à l’instance.
Le 5 décembre 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation, dans son premier arrêt, se fonde sur l’article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale selon lequel « le sursis à statuer doit être ordonné dès lors que la décision à intervenir sur l’action publique est susceptible d’influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile ».
En effet, un autre tirage avait été saisi et une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée. La Cour estime que la décision pénale à venir ayant pour effet de déterminer si un tirage obtenu par surmoulage est une œuvre originale, elle aura nécessairement une incidence sur la solution du litige au civil quelque soit le tirage concerné. L’arrêt d’appel, qui avait rejeté la demande de sursis à statuer (CA Paris, 1er octobre 2003), est cassé et la Cour renvoie les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
La cour d’appel de Paris se prononce le 27 octobre 2010. Elle décide de ne pas surseoir à statuer sur le litige au civil, ce dans un souci de bonne administration de la justice, et rejette les demandes des ayants droit fondées sur l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre et l’atteinte au droit de représentation, ainsi que sur la contrefaçon de l’œuvre originelle, tenant tant à l’établissement d’un certificat d’authenticité qu’à la destruction partielle du tirage litigieux.
Les ayants droit forment alors un nouveau pourvoi sur lequel la première chambre civile de la Cour statue par un arrêt du 4 mai 2012.
Sur l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre du fait de la réalisation du tirage litigieux, la Cour donne raison aux juges d’appel d’avoir relevé que « la réalisation de la « Vague » en bronze, matériau dont elle a de surcroît relevé le caractère usuel pour les reproductions en arts plastiques, ne méconnaissait en rien la volonté de l’auteur ». Le pourvoi est rejeté sur ce point.
Mais, concernant l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre du fait de l’établissement d’un certificat d’authenticité, elle énonce dans un attendu de principe que, vu l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, « seules constituent des exemplaires originaux les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement, de telle sorte que, dans leur exécution même, ces supports matériels de l’œuvre portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur et se distinguent par là d’une simple reproduction ». Le tirage, obtenu par surmoulage, a donc été identifié à tort comme un exemplaire original. L’arrêt de la cour d’appel est cassé.
Rappelons que cet arrêt intervient quelques mois seulement après l’arrêt Giacometti (Civ. 1ère, 1er décembre 2011, Netcom Janvier 2012), à l’occasion duquel la Cour s’était déjà prononcée sur la notion d’exemplaire original, cette fois-ci dans le domaine de la lithographie. La jurisprudence affine donc au fil du temps la notion d’exemplaire original de l’œuvre et son application.
Laurène HAUGUEL