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Droit des sociétés

Société à Responsabilité Limitée (SARL) : validité des modifications statutaires adoptées en violation des règles de majorité exigées pour la modification des statuts

  5 septembre 2012janvier 30th, 2018Aucun commentaire
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Société à Responsabilité Limitée (SARL) : validité des modifications statutaires adoptées en violation des règles de majorité exigées pour la modification des statuts

Un associé minoritaire de SARL qui dispose d’une « minorité de blocage »1 peut croire qu’il pourra bloquer l’adoption de décisions importantes, lesquelles sont généralement celles qui nécessitent la modification des statuts (augmentation ou réduction du capital social, modification de l’objet social, etc…).

En ce qui concerne les SARL, un arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012 réduit significativement l’efficacité de ce principe: contrairement à ce qui semble pourtant aller de soi, une décision prise à la majorité simple (51%) alors qu’elle aurait dû être prise à la majorité renforcée n’est pas nécessairement nulle.

Pour le comprendre, il faut rappeler que le régime des nullités en droit des sociétés distingue 2 cas : les délibérations qui modifient les statuts et celles qui ne les modifient pas2.

Dans le premier cas, la nullité n’est encourue que si elle est expressément prévue par une disposition du livre II du Code de commerce, c’est-à-dire la partie du Code de commerce qui concerne les sociétés commerciales et les GIE3.

L’affaire jugée par la Cour de cassation portait sur ce premier cas, et plus particulièrement des délibérations décidant opérant un « coup d’accordéon » c’est-à-dire une réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation d’une augmentation de capital, ces délibérations nécessitant naturellement une modification du montant du capital fixé par les statuts.

Les faits soumis à la Cour de cassation se résument ainsi : une société de courses automobiles (la SARL First Racing ) connait des difficultés financières et ses deux seuls associés (dont l’un détient 51 %  du capital et l’autre 49%) sont en conflit. Un Administrateur provisoire, nommé par le tribunal de commerce de Nevers, dépose le bilan de la SARL First Racing.

Dans ce contexte difficile, une assemblée générale en date du 11 décembre 2008 décide le maintien de l’activité de la société First Racing et le « coup d’accordéon ». Ce procédé, très couramment utilisé pour apurer les pertes d’une société, comporte toujours le risque pour un associé de se voir évincé de la société : la réduction du capital à zéro, première phase de l’opération, a en effet pour conséquence d’annuler les parts sociales des associés puisque le  capital social est réduit à zéro. Pour demeurer associé d’une société, un associé doit donc souscrire à l’augmentation de capital qui constitue la seconde phase du coup d’accordéon.

Or, seul un des deux associés, la société Identicar France, détenant 51 % des parts, était présent à l’assemblée générale du 11 décembre 2008 précitée. La décision de procéder au coup d’accordéon avait donc été prise par ce seul associé et donc à une majorité inférieure à celle de 75% des parts requise par les statuts.

L’associé absent n’ayant pas souscrit à l’augmentation de capital se trouve ainsi  évincé et fait valoir la nullité de cette opération de coup d’accordéon, pour défaut de majorité suffisante.

En première instance, le Tribunal de commerce de Bourges juge valable la décision de coup d’accordéon. La Cour d’Appel de Bourges, saisie à son tour, estime au contraire que la majorité de 75% n’étant pas atteinte, cette décision « a été prise dans des conditions irrégulières » et annule cette opération de coup d’accordéon.

La Cour de Cassation met fin au litige en rappelant les dispositions de l’article L 235-1 du Code de commerce : la nullité des actes modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du livre II Code de commerce. Or, aucun article de ce livre II, et en particulier l’article L 223-30 du code de commerce qui concerne les règles de majorité applicables aux modifications des statuts de SARL, ne prévoit d’une nullité. Le coup d’accordéon est donc valable.

Cet arrêt de la Cour de Cassation fait une application stricte du régime des nullités des délibérations d’associés de SARL ayant pour objet la modification des statuts: pas de nullité sans texte l’ayant expressément prévu.

Cet arrêt est d’une portée particulièrement intéressante puisque, au cas particulier, il s’agit d’une opération touchant directement la participation des associés dans le capital de leur société.

Pour autant, toutes les décisions modifiant les statuts ne sont pas à l’abri d’une nullité. Il existe en effet des hypothèses où la nullité est expressément prévue et par exemple :

–          la transformation d’une SARL en une autre forme de société (par exemple la transformation en société anonyme ou société par actions simplifiées pour lesquelles l’irrespect des conditions de majorité est expressément sanctionné par la nullité4),

–          la convocation irrégulière d’une assemblée générale, encore que, dans ce cas, l’action en nullité n’est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés5.

 

Signalons enfin que cette jurisprudence de la Cour de cassation ne concerne que les règles applicables aux SARL et ne préjugent pas de l’interprétation de celles applicables aux autre formes de société. Par exemple, et contrairement aux SARL, la violation des règles de quorum et majorité des délibérations des Sociétés Anonymes est expressément sanctionnée par la nullité6.

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[1] La minorité de blocage est celle  qui permet à un associé d’empêcher, grâce au nombre de parts sociales qu’il possède, cette majorité renforcée d’être atteinte. Dans les SARL la majorité est actuellement au minimum des deux tiers des parts détenues par les associés présents ou représentés, les statuts pouvant stipuler une majorité plus élevée.  Pour les SARL crées avant le 3 août 2005 et qui n’ont pas adopté le régime actuel de majorité, l’ancienne majorité de  75 % des parts sociales continue de s’appliquer.

[2] Article L 235-1 du Code de commerce.

[3] Dans le deuxième cas, la nullité n’est encourue que si la délibération des associés viole une disposition impérative de ce même livre II.

[4] La Cour de Cassation a ainsi prononcé la nullité de la transformation d’une SARL en Société Anonyme, la majorité requise de 75% n’ayant pas été atteinte (Cour de Cassation, Chambre commerciale, 15 juillet 1992, Mme Six c/ Tapisserie de France SARL).

[5] Article L223-27 du Code de commerce.

[6]Article L 225-121 du Code de commerce

 

Laurent THOMAS



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