Chapitre VI – Article 20 (ancien article 10 bis A) du projet de loi – Le projet de loi intègre une réforme du droit d’auteur des journalistes. Le régime actuel du droit d’auteur des journalistes prévoit (en vertu des articles L.121-8 du Code de la propriété intellectuelle et L.7713-2 du Code du travail) que le contrat de travail entre un journaliste et une entreprise de presse emporte cession des droits d’auteur pour une première publication, et que toute réutilisation d’un article sur un support différent du support d’origine (notamment sur Internet) doit être soumise à l’autorisation expresse du journaliste concerné, qui peut prétendre à une rémunération complémentaire.
Le nouveau régime, résultant du projet de loi, pose le principe selon lequel le contrat liant un journaliste professionnel (qui contribue à l’élaboration d’un « titre de presse ») (cf. dans ce numéro l’article sur le « titre de presse
) et une entreprise de presse emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif au profit de cette dernière des droits d’exploitation des œuvres du journaliste, réalisées dans le cadre de ce titre (qu’elles soient ou non publiées), et ce pour tous les supports du titre concerné, dans des conditions déterminées par accord collectif.
Un accord collectif doit en effet déterminer les conditions de rémunération des droits d’auteur des journalistes et le délai à compter duquel l’exploitation ouvrira droit à une telle rémunération.
Les modalités de rémunération des journalistes devant être définies par accord collectif, s’entendent selon trois différents stades d’exploitation :
(i) Pendant une période de référence [fixée par accord d’entreprise (ou, à défaut, par tout autre accord collectif)] et déterminée en prenant notamment en considération la périodicité du titre de presse et la nature de son contenu], l’exploitation sur différents supports (dans le cadre du titre de presse) a pour seule contrepartie le salaire du journaliste.
(ii) Au-delà de cette période de référence, l’exploitation de l’œuvre du journaliste dans le titre de presse, est rémunérée sous forme de droits d’auteur ou de salaire dans des conditions déterminées par accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif.
L’accord peut également prévoir, lorsque la société éditrice (ou le groupe de presse auquel elle appartient) édite plusieurs titres de presse, la possibilité de publier l’œuvre dans d’autres titres de la même société (ou du même groupe), sous réserve que les supports concernés par la publication de cet article constituent « une famille cohérente de presse » et que cette publication donne lieu à rémunération complémentaire, sous forme de droit d’auteur ou de salaire.
(iii) Enfin, toute exploitation de l’œuvre hors du titre de presse ou d’une famille cohérente de presse reste soumise à l’accord exprès et préalable du journaliste, exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif (sans préjudice dans ce dernier cas de l’exercice par le journaliste de son droit moral). Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur, dans des conditions déterminées par accord individuel ou collectif.
En complément de cette présentation schématique des principales règles prévues par ce nouveau dispositif, il est également intéressant de relever :
– que le projet de loi prend le soin de préciser clairement que les « droits d’auteurs » prévus par le texte n’ont pas la nature de salaire (il est par ailleurs fait référence pour la détermination de ces droits aux articles L.131-4 et L.132-6 du CPI) ;
– que s’agissant de la situation des photos-journalistes (« qui tirent le principal de ses revenus de l’exploitation de telles œuvres [et qui collaborent de manière occasionnelle à la création d’un titre de presse] »), le projet de loi prévoit que la présomption de cession résultant de ce nouveau régime ne s’applique que si l’œuvre a été commandée par l’entreprise de presse ;
– qu’il est prévu que tout travail commandé ou accepté par l’éditeur d’un titre de presse, quel qu’en soit le support, doit être rémunéré même s’il n’est pas publié.
– qu’afin de garantir la mise en place de ce nouveau dispositif, le projet de loi prévoit la création d’une commission ad hoc (composée à parité de représentants des journalistes et des éditeurs et présidée par un représentant de l’Etat) ayant pour mission, sur saisine de la partie la plus diligente, de déterminer les modes et bases de rémunération due en contrepartie des droits d’exploitation, soit à défaut de conclusion d’un accord d’entreprise (ou de tout autre accord collectif) dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, soit à défaut de conclusion d’un nouvel accord collectif dans les six mois suivants l’expiration d’un accord précédent.
Compte tenu de la part importante qui leur est laissée, l’appréciation globale de ce nouveau dispositif dépendra des prévisions des accords collectifs qui doivent être mis en place.
Dorothée SIMIC