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CA Versailles, 7 sept. 2018

Cette affaire concerne une figure politique emblématique du siècle dernier, Ernesto Che Guevara, représenté dans la photographie, non moins connue, du « Che au béret et à l’étoile » prise par Korda en 1960. Une société de vente de vêtements à destination d’un public amateur de jeux vidéo a mis en vente un t-shirt représentant le révolutionnaire cubain, tel qu’il apparaît sur la photo de Korda, tenant en sa main une manette de jeu et sous lequel l’on pouvait lire « Che was a gamer ». Considérant qu’un tel visuel portait atteinte à leurs droits, l’héritière de Korda, ainsi que la société cessionnaire des droits patrimoniaux sur la fameuse photographie, ont assigné en contrefaçon de droit d’auteur la société à l’origine du t-shirt et son gérant.

Déboutés en première instance de l’ensemble de leurs demandes, les titulaires de droit interjetèrent appel. Classiquement, les intimés arguèrent tout d’abord de l’absence d’originalité de l’œuvre de Korda, et donc de l’absence de contrefaçon subséquente. Ils n’hésitèrent pas à qualifier la fameuse photographie « d’une banalité affligeante » en ce qu’elle tirait davantage son succès de l’expression du personnage représenté que de l’empreinte de son photographe. La Cour d’appel rejeta l’argument et confirma l’appréciation du tribunal qui avait retenu le caractère original de l’œuvre.

Se défendant de toute contrefaçon, les intimés invoquaient l’exception de parodie prévue à l’article L122-5, 4° du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi, les intimés commençaient par rappeler que le t-shirt litigieux s’inscrivait dans une gamme consistant à représenter d’illustres personnes en les affublant d’une manette de jeu et d’une formule composée du nom de la personne suivie par « was a gamer ». Les intimés se sont appuyés sur les trois critères de l’exception de parodie, à savoir, la distance prise avec l’œuvre parodiée pour éviter un risque de confusion, le caractère humoristique et l’absence de toute intention de nuire. Selon eux, au-delà de leur absence de volonté de nuire, le Che est représenté de manière humoristique et décalée, l’expression du visage étant moins grave que sur la photo originale et comportant un cerne censé représenter les longues heures passées par les geeks à jouer aux jeux vidéo.

Selon les appelantes l’exception était inapplicable en ce que la représentation litigieuse n’avait pas un but humoristique mais au contraire purement commercial. De plus, ils soutenaient que l’expression « Che was a gamer » était dénigrante en ce que la vie du Che « n’avait rien d’un jeu ».

La Cour d’appel, comme le tribunal en première instance, retient que l’exception de parodie s’applique en l’espèce. En effet, après avoir rappelé qu’elle est fondée sur la liberté d’expression, principe à valeur constitutionnelle, la Cour estime que les modifications apportées par la société démarquent suffisamment le visuel parodique de l’œuvre parodiée. La Cour souligne également que le t-shirt s’inscrit dans une ligne de produits commercialisés et que cette volonté de désacraliser les icônes procède des lois du genre dès lors qu’elle est exclusive de toute volonté de nuire. Enfin, la Cour affirme que rien ne s’oppose à ce que l’exception s’applique lorsque l’œuvre de parodie fait l’objet d’une exploitation commerciale.

Par cet arrêt, la Cour d’appel vient rappeler clairement le fondement de la liberté d’expression qui sous-tend l’exception de parodie. Surtout, la Cour d’appel donne des indices supplémentaires sur ce qui relève ou non d’une exploitation « purement commerciale » qui, selon la jurisprudence, empêche l’application de l’exception. Cet arrêt rappelle celui rendu par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 4e ch., sect. A, 9 sept. 1998) où l’exploitation détournée du personnage de Monsieur Propre sur un t-shirt avait bénéficié de l’exception de parodie alors qu’il était offert à la vente.

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