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TGI Paris, 3ème Ch., 4ème sect., 15 mars 2018

Alors que la CJUE (13 novembre 2018, aff. C-310/17) vient de juger que la saveur d’un produit alimentaire ne peut être qualifiée d’« œuvre » et ne peut donc pas bénéficier d’une protection par le droit d’auteur, le jugement commenté du Tribunal de grande instance de Paris propose des alternatives pour protéger les créations culinaires.

En effet, la représentation d’une création culinaire peut bénéficier de la protection au titre des dessins et modèles tout comme la dénomination de cette création peut être protégée à titre de marque. La difficulté en cas de contrefaçon sera la mise en œuvre de ces droits.

Dans cette affaire, un grand chef, créateur d’une nouvelle forme de tarte aux pommes dont la caractéristique tient au positionnement des pommes en forme de boutons de rose, appelée « Bouquet de Roses », avait choisi de protéger sa création, par le dépôt en 2008 de deux modèles reproduisant des photographies de la tarte, et d’une marque verbale « Tarte Bouquet de Roses » pour désigner notamment des gâteaux et pâtisseries.

Constatant qu’un grand distributeur avait reproduit sur la page de couverture de son magazine (également diffusé en ligne) une tarte aux pommes avec des lamelles de pommes disposées de manière à former des boutons de roses, accompagné de la mention « Tarte aux pommes bouquet de roses », le chef l’a assigné en contrefaçon de modèles et de marque ainsi que pour actes de parasitisme.

En défense, le distributeur a contesté la validité des modèles déposés en 2008 en invoquant l’absence de nouveauté et de caractère propre de ceux-ci ainsi que toute contrefaçon de ces derniers ou de la marque verbale « Tarte Bouquet de Roses ».

Le Tribunal retient la validité des modèles déposés consistant dans des photographies de la tarte avant et après la cuisson et dont les caractéristiques formelles visuelles sont le positionnement des pommes en forme de boutons de rose obtenues à partir de lamelles finement découpées. A l’argument relatif à l’absence de nouveauté en raison d’une publication antérieure aux Etats-Unis, le Tribunal oppose qu’il est peu probable que le chef, dans son secteur d’activité, ait eu connaissance avant le dépôt de ses modèles, des recettes publiées par une américaine en 2005, connue à l’époque pour sa fortune et ses conseils en matière de bon goût.

Toutefois, après examen comparatif des photographies de la tarte figurant sur le prospectus et celles des modèles déposés, le Tribunal écarte la contrefaçon des modèles au motif que les caractéristiques formelles du modèle ne sont pas reprises (taille des roses et leur positionnement) de sorte que l’impression d’ensemble qui se dégage est différente aux yeux d’un observateur averti.

Les juges du fond retiennent en revanche la contrefaçon de la marque verbale « Tarte Bouquet de Roses », l’adjonction du qualificatif « aux pommes » sur le prospectus du distributeur étant indifférente.

Enfin, le parasitisme est finalement rejeté faute pour le demandeur de justifier de faits distincts fautifs.

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