Depuis le 1er aout 2017[1], les sociétés non cotées (sociétés commerciales et civiles) et les associations immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), ainsi que les organismes de placement collectif et les G.I.E., ont l’obligation d’identifier leurs « bénéficiaires effectifs » et de communiquer ces informations au greffe du tribunal de commerce compétent.
Pour rappel, le bénéficiaire effectif s’entend de la personne physique qui, en dernier ressort, contrôle directement ou indirectement l’entité juridique concernée :
- soit parce qu’elle détient directement ou indirectement plus de 25 % du capital ou des droits de vote de l’entité visée ;
- soit parce qu’elle exerce, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur ses organes de gestion ou de direction ou sur ses associés.
Si aucune personne physique n’a pu être identifiée en application des critères ci-dessus, le représentant légal (ou représentants légaux) sera considéré comme le bénéficiaire effectif de l’entité juridique.
Une ordonnance et deux décrets d’application datés du 12 février 2020[2] transposent en droit interne la directive européenne N°2018/843 du 30 mai 2018 (dite « 5ème directive anti-blanchiment ») dans le but de renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Dans ce cadre, le régime d’identification et de déclaration des bénéficiaires effectifs a été sensiblement modifié, en voici les principaux aménagements.
Modification de l’accès à l’information sur les bénéficiaires effectifs
Jusqu’à présent, les informations relatives aux bénéficiaires effectifs n’avaient pas vocation à être connues du public, elles n’étaient accessibles qu’à une liste d’autorités et de personnes limitées.
Une partie seulement des informations relatives au registre des bénéficiaires effectifs est désormais accessible au public, c’est-à-dire à tous, il s’agit des informations relatives aux nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, mois, année de naissance, pays de résidence et nationalité des bénéficiaires effectifs ainsi qu’à la nature et à l’étendue des intérêts effectifs qu’ils détiennent dans la société ou l’entité.[3]
L’accès à l’intégralité du registre reste réservé à certaines autorités et personnes dont la liste a été légèrement élargie par l’ordonnance[4]. Contrairement au public, les informations supplémentaires qui leur sont accessibles sont : le jour et le lieu de naissance du bénéficiaire effectif, son adresse personnelle et la date à laquelle la personne est devenue bénéficiaire.[5]
Actuellement, afin d’accéder aux documents relatifs aux bénéficiaires effectifs, il convient d’adresser une demande par courrier au service juridique d’Infogreffe. A terme, le registre des bénéficiaires effectifs pourra être consulté via une plateforme unique de formalités en ligne dont la mise en place est prévue par la loi Pacte pour 2023.
L’accès à ces informations est gratuit, quelles que soient les modalités de consultation ou de communication de ces informations.[6]
Modalités de déclaration des bénéficiaires effectifs au RCS
Les modalités de déclaration des bénéficiaires effectifs au RCS ont été modifiées, désormais les informations relatives aux bénéficiaires effectifs ne sont plus communiquées par le dépôt d’un document spécifique annexé au RCS mais par une déclaration au RCS.[7]
Cette déclaration au RCS prend la forme d’un formulaire Cerfa « M’BE ». A la différence du document spécifique qui devait être signé par le représentant légal de l’entité juridique concernée, le formulaire Cerfa permet à un mandataire disposant d’une procuration de procéder à la déclaration du bénéficiaire effectif.
Ces nouvelles modalités déclaratives ainsi que le formulaire Cerfa sont à présent disponibles notamment sur le site Infogreffe, sur les sites internet des greffes des tribunaux de commerce ou des chambres de commerce et d’industrie. Il est prévu que cette déclaration puisse également se faire via la plateforme unique de formalités en ligne.
Auparavant, cette déclaration devait être effectuée lors de la demande d’immatriculation auprès du greffe ou au plus tard dans les 15 jours de la demande ; ce délai supplémentaire de 15 jours a été supprimé.
Un nouveau document devait également être déposé dans les 30 jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations qui sont mentionnées dans la déclaration du bénéficiaire effectif ; une demande d’inscription modificative devra maintenant être effectuée.
Nouvelles obligations et sanctions à la charge des bénéficiaire effectifs
Jusqu’alors, seuls les représentants légaux de la personne morale (ou la personne morale elle-même) étaient sanctionnés pénalement de 6 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende[8] (37.500 euros pour les personnes morales) en cas d’absence de dépôt de déclaration du bénéficiaire effectif ou en cas de communication d’informations inexactes ou incomplètes. Les personnes physiques pouvaient également encourir des peines d’interdiction de gérer et de privation partielle des droits civils et civiques.
L’ordonnance introduit l’obligation, cette fois-ci à la charge des bénéficiaires effectifs eux-mêmes, de fournir aux sociétés et entités qui le demandent toutes les informations nécessaires dans un délai de 30 jours ouvrables à compter de la demande.[9]
En cas de non-respect de ce délai ou lorsque les informations fournies par le bénéficiaire effectif sont incomplètes ou erronées, celui-ci encourt deux sanctions :
- la société ou l’entité concernée peut saisir le président du tribunal statuant en référé aux fins de voir ordonner, au besoin sous astreinte, la transmission de ces informations[10]; et
- les mêmes sanctions pénales que celles indiquées ci-dessus encourues par les représentants légaux de la personne morale (ou la personne morale elle-même) concernée, à savoir 6 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende (37.500 euros pour les personnes morales), ainsi que l’interdiction de gérer pour les personnes physiques.[11]
L’ensemble de ces dispositions sont entrées en vigueur le 14 février 2020, aucune démarche particulière n’est à effectuer auprès du greffe sauf bien entendu en cas de modification du bénéficiaire effectif.
[1] Ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 et son décret d’application n° 2017-1094 du 12 juin 2017
[2] Ordonnance n° 2020-115 et ses décrets d’application n° 2020-118 et 2020-119 du 12 février 2020
[3] Article L. 561-46, al. 2 et 14 du Code monétaire et financier
[4] Accès élargi par exemple aux autorités judiciaires ou à la cellule de renseignement financier nationale
[5] Articles L. 561-46 et R. 561-56 du Code monétaire et financier
[6] Article L. 561-46, dernier al. du Code monétaire et financier
[7] Articles L. 561-46 et R. 561-55 du Code monétaire et financier
[8] Article L. 561-45-1 du Code monétaire et financier
[9] Articles L. 561-45-2 et R. 561-59 du Code monétaire et financier
[10] Article L. 561-45-2, al. 3 du Code monétaire et financier
[11] Article L. 574-5 du Code monétaire et financier