Cass. Com. du 4 novembre 2020, n°18.18-455
La saga judiciaire Bébé Lilly continue de faire couler de l’encre concernant l’action en revendication de marque. Par deux fois, la Cour de cassation est venue rappeler le droit applicable.
En 2017, la Cour de cassation avait censuré la cour d’appel de Paris pour avoir rejeté l’action en revendication d’un auteur contre son éditeur, fondée sur le dépôt frauduleux et le caractère trompeur des marques litigieuses. L’éditeur, également producteur des enregistrements des œuvres de l’auteur, avait déposé des marques correspondant au nom du personnage d’une collection de chansons (Cf. Netcom mars 2017). La Cour de cassation reprochait aux juges du fond de ne pas avoir recherché si, en procédant à ces dépôts de marque, l’éditeur n’avait pas cherché à s’approprier la dénomination du personnage « Bébé Lilly », privant ainsi l’auteur de toute possibilité de l’exploiter dans l’exercice de son activité et de développer des œuvres le mettant en scène.
Sur renvoi, la cour d’appel de Paris autrement composée avait rejeté une nouvelle fois l’action en revendication des marques litigieuses de l’auteur qui soutenait que le dépôt des marques Bébé Lilly avait pour but de tromper le public sur la provenance des enregistrements et de faire croire qu’il n’existait pas d’artiste réel ayant interprété ces œuvres. La cour d’appel bien que relevant que le dépôt des marques litigieuses était frauduleux, avait débouté l’auteur de sa demande en revendication au motif qu’il ne pouvait à la fois invoquer le caractère trompeur des marques et en revendiquer la propriété.
A nouveau, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond, leur reprochant de ne pas avoir vérifié si le transfert des marques litigieuses ne ferait pas disparaître leur caractère déceptif. La Cour de cassation relève en effet que l’auteur avait invoqué le caractère trompeur des marques uniquement en raison du fait qu’elles avaient été déposées par l’éditeur.
Le pourvoi portait également sur la demande de dommages et intérêts pour dépôt frauduleux dont l’auteur avait également été débouté au motif, selon la cour d’appel, qu’il ne caractérisait pas le préjudice qu’il aurait subi du fait de l’utilisation par l’éditeur des marques contestées. La cour d’appel ayant jugé que la dénomination « Bébé Lilly » ne pouvait bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, les juges avaient considéré que l’auteur ne disposait d’aucune exclusivité et que d’autres écrits pouvaient donc être produits sous la dénomination Bébé Lilly.
La Cour invalide également l’appréciation de la cour d’appel qui, bien qu’ayant relevé que l’éditeur avait en toute connaissance de cause et de façon déloyale privé l’auteur d’exploiter paisiblement la dénomination en cause, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en rejetant la demande de dommages et intérêts.
L’affaire est de nouveau renvoyée devant la cour d’appel de Paris qui devra réexaminer ces deux questions.