Tribunal UE, 21 avril 2021, T-44/20, Chanel c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle
La société Huawei Technologies a déposé la marque figurative de l’Union européenne auprès de l’EUIPO en classe 9.
La société Chanel, titulaire de la marque figurative française enregistrée dans la même classe, et de la marque renommée , a formé opposition à l’enregistrement de la marque de Huawei Technologies.
Après rejet de son opposition par la chambre de recours de l’EUIPO, la société Chanel a saisi le tribunal de l’Union Européenne aux fins d’annulation de la décision de la chambre de recours. Le recours de Chanel se fonde sur la similitude de la marque demandée avec sa marque renommée et sur la similitude avec sa marque française enregistrée.
Concernant l’opposition fondée sur la marque renommée, le Tribunal rappelle d’abord que l’enregistrement d’une marque sera refusé en présence d’une marque renommée sous réserve du respect de trois conditions cumulatives, à savoir, i) l’identité ou la similitude des marques en conflit, ii) l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et iii) l’existence d’un risque que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porterait préjudice.
En l’espèce, la demanderesse se fondait principalement sur la similitude visuelle des marques, à la fois dans l’orientation dans laquelle elles sont déposées mais également dans l’hypothèse d’une rotation à 90 degrés de la marque demandée. Selon Chanel, il serait permis de tenir compte de l’orientation différente de l’un des signes si elle correspond à la perception que, indépendamment des intentions de son titulaire, le public peut en avoir lorsque la marque est apposée sur des produits mis sur le marché.
Au-delà des critères classiques d’appréciation de la similitude de deux signes, le Tribunal précise que les signes doivent être comparés dans la forme dans laquelle ils sont protégés c’est-à-dire dans la forme dans laquelle ils sont enregistrés ou demandés. Pour le Tribunal, l’usage réel ou potentiel des marques enregistrées sous une autre forme est dénué de pertinence lors de la comparaison de signes.
Le Tribunal conclut à une différence visuelle des signes en cause, notamment au regard de la position verticale de la marque de Huawei et de celle horizontale de la marque Chanel, et ce en dépit de la présence commune de deux courbes entrelacées au sein d’un cercle de couleur noire, ce dernier étant par ailleurs un élément géométrique banal. Le Tribunal prend également acte de l’absence de contestation de la décision de la chambre de recours statuant sur l’impossibilité de réaliser une analyse de la similitude phonétique. Enfin, le Tribunal conclut à une différence des signes sur le plan conceptuel. Le recours sur le rejet d’opposition formé par Chanel sur le fondement de sa marque renommée est donc rejeté.
Le Tribunal s’est également prononcé sur l’opposition formée par la demanderesse fondée sur sa marque enregistrée. Le Tribunal se focalise à nouveau sur l’analyse de la similitude visuelle pour l’exclure au motif que les marques sont différentes au regard de l’absence de cercle dans la marque antérieure et d’un agencement différent. Le Tribunal se réfère à ses développements sur la marque renommée pour l’analyse phonétique et conceptuelle. En concluant à l’absence de similitudes, le Tribunal n’est donc pas tenu à l’analyse du risque de confusion entre les marques.
Le principal intérêt de ce jugement est de rappeler que, lors de l’appréciation de l’identité ou de la similitude de marques entre elles, les marques doivent être comparées dans la forme dans laquelle elles sont enregistrées et demandées, indépendamment de toute éventuelle rotation lors de leur utilisation sur le marché. Limiter la comparaison des signes à la forme dans laquelle ils sont déposés permet selon le Tribunal d’éviter toute insécurité ou incertitude quant à l’objet de la protection. Toutefois, l’appréciation du Tribunal conduit à s’interroger sur la comparaison de marques qui seraient apposées sur un produit exploitable dans différentes positions, tel qu’un ballon.