La troisième affaire examinée par la Cour de cassation portant sur l’usage sérieux de la célèbre marque « Abercrombie & Fitch » en France revient sur le caractère notoire de celle-ci.
Pour mémoire, la société A&F Trademark Inc. avait attaqué successivement en contrefaçon de ses marques françaises et communautaires, plusieurs sociétés françaises qui offraient sur le territoire français divers vêtements revêtus de ces signes.
Dans chacune des trois instances engagées, les sociétés défenderesses avaient fait valoir l’absence d’usage sérieux des marques françaises et communautaires sur lesquelles le titulaire fondait son action.
Ces dernières avaient obtenu gain de cause en appel ; les cours d’appel avaient en effet prononcé la déchéance des marques en retenant que les pièces produites ne permettaient pas de justifier d’un usage sérieux et effectif pour chacune des marques en cause.
Le titulaire des marques forme un pourvoi à l’encontre des 3 arrêts rendus. Dans les deux premières affaires, à neuf mois d’intervalle, après avoir rappelé le principe selon lequel en déposant plusieurs marques, la société A & F Trademark avait nécessairement entendu les distinguer, « de sorte que l’exploitation de l’une ne saurait constituer la preuve de l’exploitation des autres », la cour de cassation relève que les juges d’appel ont fait une bonne interprétation des éléments produits et que ceux-ci ne permettaient pas de constater un usage sérieux de chacune des marques litigieuses.
Les arrêts déférés avaient cependant été cassés au motif que les règles de computation des délais en matière de déchéance n’avaient pas été respectées (Cf. Cass com 16 février 2010, Netcom avril 2010 et Cass com 9 novembre 2010)
Deux ans plus tard, la Cour de cassation rend son arrêt dans la troisième et dernière affaire. La Cour rejette de nouveau les moyens fondés sur l’examen par la Cour d’appel des preuves produites qui ne permettent pas de justifier d’un usage sérieux.
En revanche, la Cour d’appel est sanctionnée pour avoir écarté de l’examen certaines pièces produites ainsi que pour avoir refusé d’examiner le caractère notoire d’une marque française invoqué par la société A & F Trademark.
La Cour de cassation rappelle que l’article 6 bis de la Convention de Paris du 20 mars 1883 organise un régime spécifique de protection et protège les marques notoirement connues indépendamment de tout enregistrement. Ainsi, en refusant d’examiner si l’une des marques constituait une marque notoirement connue, au seul motif qu’elle avait constaté que la société A & F Trademark n’était plus titulaire de droits sur cette marque française à la date des agissements incriminés, la Cour d’appel a violé l’article 6 bis de la Convention de Paris.
La notoriété de la marque doit ainsi être distinguée de l’usage sérieux.
Cette décision va certainement redonner espoir à la société A & F Trademark alors que les cours d’appel de renvoi dans les deux premières affaires devraient bientôt se prononcer sur la déchéance de ses marques.
Florence DAUVERGNE