Or, la Cour de cassation juge que l’existence d’une cause économique de licenciement ne caractérise pas en soi cette impossibilité (Cass. Soc. 7 novembre 2006, 05-43131).
Par ailleurs, dans les entreprises ou groupes d’entreprises de moins de 1.000 salariés, le bénéfice d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) doit être proposé, lors de l’entretien préalable ou à l’issue de la dernière réunion des représentants du personnel, au salarié dont le licenciement économique est envisagé (art. L1233-66 c. trav.).
Le salarié dispose alors d’un délai de 21 jours pour accepter ou refuser le CSP (art. 4 § 1er al. 2 de la convention Unedic du 26 janvier 2015). En cas d’acceptation, le contrat de travail est réputé rompu (art. L1233-67 c. trav.) du commun accord des parties, à la date d’expiration du délai de réflexion (art. 5 § 1er al. 2 de la convention Unedic du 26 janvier 2015). Il peut donc s’écouler un certain délai entre l’acceptation du CSP par le salarié et la rupture effective du contrat de travail.
Que se passe-t-il si au cours du délai de réflexion de 21 jours le salarié a un accident du travail ou une maladie professionnelle ? C’est à cette question qu’a répondu la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 14 décembre 2016 (n° de pourvoi 15-25981).
Un salarié s’était vu remettre une proposition de CSP le 13 octobre. Le 20 suivant, il eut un accident du travail dont il informa immédiatement son employeur. Le 31 octobre, il adhéra au CSP. Enfin, au terme du délai de réflexion de 21 jours, en date du 4 novembre suivant, l’employeur lui notifia les motifs économiques de la rupture.
A la date de rupture, le salarié étant arrêté pour accident du travail depuis le 20 octobre précédent, le contrat de travail était suspendu. Dans ce cas, le contrat de travail ne peut être rompu que pour faute grave ou impossibilité de le maintenir. Or, le salarié n’avait commis aucune faute grave et le motif économique ne pouvait caractériser une impossibilité de maintenir le contrat. La Cour de cassation a donc logiquement rejeté le pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel qui avait prononcé la nullité du licenciement. La haute juridiction juge que cette nullité est acquise au « salarié qui est en arrêt de travail d’origine professionnelle à la date d’expiration du délai dont il dispose pour prendre parti sur la proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle et que l’adhésion à ce contrat, qui constitue une modalité du licenciement pour motif économique, ne caractérise pas l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maladie ou à l’accident ».
La Cour de cassation ajoute « que la situation devant être appréciée, non à la date de proposition du contrat de sécurisation professionnelle, mais à l’expiration du délai de 21 jours pour accepter cette proposition, la cour d’appel, qui a fait ressortir que le salarié était, à cette époque, en arrêt de travail d’origine professionnelle, en a exactement déduit qu’il devait bénéficier de la protection des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie ».
Juridiquement compréhensible, le raisonnement ne manque néanmoins pas de surprendre. Quelle solution a l’employeur ? La rupture du contrat de travail d’un commun accord en raison des dispositions relatives au CSP est-elle vouée inexorablement à la nullité si le salarié est arrêté en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle durant le délai de réflexion ?
La Cour de cassation a déjà jugé qu’il était possible de rompre le contrat de travail d’un salarié dont le contrat de travail était suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle si le motif économique évoqué dans la lettre de licenciement était présenté comme la démonstration de l’impossibilité de maintenir le contrat « en raison de la disparition de son poste et de l’absence de poste disponible compatible avec sa qualification » (Cass. Soc. 17 février 2010, 08-45360). Autrement dit, si un motif économique ne constitue pas en soi une impossibilité de maintenir le contrat de travail au sens de l’article L1226-9 du code du travail (Cass. Soc. 7 novembre 2006, 05-43131), les conséquences de ce motif économique peuvent en être la démonstration. La motivation de la lettre de licenciement est donc essentielle.
Lorsque la suspension du contrat de travail en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’articule avec le délai de réflexion du CSP, la situation reste complexe car l’envoi d’une lettre de licenciement ne s’impose pas nécessairement. En effet, en cas d’adhésion au CSP, le contrat est réputé rompu d’un commun en accord entre les parties (art. 5 § 1er al. 2 de la convention Unedic du 26 janvier 2015). Mais pour que le salarié prenne sa décision en ayant toutes les informations nécessaires à sa disposition, il est jugé que le motif économique doit lui être notifié par l’employeur au plus tard quand il accepte le CSP ; à défaut le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse (notamment, Cass. Soc. 22 septembre 2015, 14-16218). C’est pourquoi il est conseillé à l’employeur d’énoncer le motif économique dans une lettre communiquée au salarié lors de la remise des documents relatifs au CSP qui font courir le délai de 21 jours. Ainsi, en tout état de cause, le salarié est informé du motif économique avant son acceptation du CSP et le licenciement ne peut pas être jugé sans cause réelle et sérieuse à cet égard.
Cependant, dans le cas qui nous intéresse, cela ne règle pas le problème d’une suspension du contrat de travail qui interviendrait postérieurement à la remise du motif économique mais antérieurement au terme du délai de réflexion. En application du principe arrêté par la Cour de cassation dans l’arrêt du 14 décembre 2016, la rupture du contrat sera nécessairement nulle.
Dès lors qu’il est conseillé à l’employeur, lors d’une procédure de licenciement économique, de remettre au salarié, dès la communication des documents relatifs au CSP, un écrit précisant en quoi la rupture envisagée constitue un motif économique, une solution pourrait être d’intégrer, en toute hypothèse (alors même qu’au moment de sa rédaction le salarié n’est arrêté ni pour accident du travail ni pour maladie professionnelle) audit écrit que ce motif rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise. Il s’agirait d’une formulation de précaution au cas où le salarié serait, durant le délai de réflexion du CSP, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Au final, la Cour de cassation a rendu une décision qui laisse perplexe parce qu’elle ne permet pas, en l’état, d’affirmer quel comportement irréprochable pourrait adopter un employeur en pareille situation. Seule la pratique développée par les employeurs soumis à la même délicate situation révélera peut-être la façon incontestable de sortir de cette insécurité juridique.
Romain PIETRI