Le Tribunal de grande instance de Paris a décidé, en l’espèce, qu’une œuvre présentée au Comité Marc Chagall pour authentification était un faux artistique. Dès lors, il ordonne la remise du tableau contrefaisant aux ayants droit de l’artiste en vue de sa destruction, sauf meilleur accord entre les parties.
L’acquéreur a déposé l’œuvre au Comité Marc Chagall, créé à l’initiative des héritiers du peintre, qui a pour objet de donner un avis sur les demandes d’authentification qui pourraient lui être présentées.
A la suite d’une analyse stylistique et chromatique, le comité a annoncé que le tableau était un faux évident inspiré de l’œuvre authentique « Apparition 1917-18» de Marc Chagall, dont la signature a été imitée, et qui a été antidaté. Ils demanderont au comte la restitution amiable de l’œuvre, et face au refus de celui-ci, seront autorisés par ordonnance à procéder à la saisie réelle du tableau soupçonné de porter atteinte à leur droit d’auteur afin d’éviter le risque de sa remise en circulation.
Par jugement avant dire droit, le Tribunal a ordonné une expertise du tableau.
L’expert stylistique a comparé l’œuvre avec les tableaux de Chagall datant de cette époque. Il a constaté des divergences quant aux couleurs, aux compositions et aux signatures mais des similitudes quant à l’emploi de certains éléments iconographiques qui se retrouvaient dans ces comparaisons. Il a également examiné la provenance du tableau, étudiant son histoire depuis son origine, élément de poids pour corroborer le résultat de l’étude stylistique et scientifique, à défaut d’être déterminant. En l’espèce, il a été considéré que la provenance du tableau n’était ni claire ni certaine, et n’apportait aucun élément positif pour son authentification.
L’expert scientifique a constaté que la matière picturale de l’œuvre présente les caractéristiques d’une œuvre ancienne, qu’il juge comme ayant été probablement anonyme à l’origine. Postérieurement à sa confection, une signature fut apposée, sans pour autant être conforme à celles que Chagall pouvait inscrire sur ses œuvres à cette époque. L’étiquette située au dos du tableau litigieux et supposée présenter une indication précise quant à son origine aurait été vieillie artificiellement par procédé mécanique. L’expert conclura que l’œuvre est un faux grossier.
Ces éléments emporteront la conviction du Tribunal sur le défaut d’authenticité de l’œuvre litigieuse, qui constitue un faux artistique et qui doit être qualifiée de contrefaisante. La saisie sera validée.
Le Tribunal ordonne donc la destruction de l’œuvre. Il estime en effet que cette mesure est la seule de nature à prévenir tout risque de remise de l’œuvre contrefaisante dans les circuits commerciaux. Cette sanction peut apparaître ici radicale, notamment à l’encontre d’une œuvre réalisée sans qu’une intention d’exploitation n’ait été démontrée de la part d’un auteur anonyme, qui n’est pas nécessairement celui qui aurait apposé malicieusement la signature sur le tableau.
La destruction du tableau porte une atteinte évidente au droit moral de son auteur, non-identifié.
Néanmoins cette sanction est applicable sous réserve de la conclusion d’un meilleur accord entre les parties. Ainsi, le Tribunal laisse à ces dernières la possibilité de fixer des mesures intermédiaires pour préserver éventuellement l’œuvre de sa destruction.
Ugo-Xavier LOIACONO