La rupture conventionnelle envisagée en raison de faits fautifs d’un salarié n’interdit pas à l’employeur, en cas de rétractation de la rupture conventionnelle par le salarié, de diligenter une procédure disciplinaire de licenciement en lieu et place. En revanche, le délai de deux mois devant se tenir entre la connaissance des faits par l’employeur et la poursuite disciplinaire devra être impérativement respecté. A défaut, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse.
Si un salarié commet une ou des fautes, l’employeur peut, au lieu de procéder à son licenciement pour un motif disciplinaire, convenir d’une rupture conventionnelle avec ledit salarié. Cette situation est à l’origine de deux arrêts rendus par la haute juridiction le 3 mars dernier. Dans les deux cas, les salariés avaient, après la signature de la convention de rupture, exercé leur droit de rétractation.
En effet, à compter de la date de signature par les deux parties de la convention de rupture, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation (art. L1237-13 c. trav.).
Dans les deux décisions, l’employeur a ensuite procédé au licenciement disciplinaire du salarié concerné. Mais la chronologie des faits diffère légèrement suivant le cas d’espèce et cette différence a eu une conséquence considérable sur l’appréciation du licenciement au regard de la prescription.
- a. Rupture conventionnelle rétractée suivie d’une procédure de licenciement
Dans le premier cas (Cass. soc., 3 mars 2015, 13-23348), un salarié fut plusieurs fois en absences injustifiées de juillet à septembre. L’employeur, au lieu de lancer une procédure de licenciement disciplinaire, signa une rupture conventionnelle avec ce salarié le 28 octobre. Le 5 novembre, le salarié exerça son droit de rétractation. L’employeur décida alors de le convoquer à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 16 novembre et lui notifia son licenciement le 6 décembre suivant.
Entre la dernière absence injustifiée (du 4 septembre) et la convocation à l’entretien préalable (le 16 novembre suivant), un délai supérieur à deux mois s’était écoulé. Or, le code du travail interdit à un employeur d’engager des poursuites disciplinaire au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où il a eu connaissance des faits fautifs (art. L1332-4 c. trav.).
La question se posait donc de savoir si la signature de la rupture conventionnelle intervenue entre les parties fin octobre avait eu pour effet de suspendre la prescription. Si oui, la procédure disciplinaire ensuite diligentée par l’employeur n’était pas prescrite ; sinon, au contraire, la procédure disciplinaire était prescrite et le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’attendu de principe de la Cour de cassation est limpide : « la signature par les parties d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de prescription … la cour d’appel … en a exactement déduit la prescription des faits fautifs ».
L’employeur doit donc être vigilant. La rupture conventionnelle, comme alternative au licenciement pour des motifs disciplinaires, peut se révéler dangereuse en raison du droit de rétractation du salarié et de la prescription de deux mois qui continue à courir.
- b. Convocation à entretien préalable, suivie d’une rupture conventionnelle rétractée, elle-même suivie d’une nouvelle procédure de licenciement pour les mêmes faits
Dans le second cas (Cass. soc., 3 mars 2015, 13-15551), un salarié a, le 21 mai, insulté un fournisseur et quitté son lieu de travail. Son employeur l’a alors convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 7 juin. A cette occasion, les parties signèrent une rupture conventionnelle. Mais le salarié exerça son droit de rétractation le 16 juin. L’employeur décida en conséquence de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable le 21 juin et le licencia pour faute grave le 1er juillet 2010.
Se posait la question de l’incidence de la première procédure de licenciement avortée en raison de la signature, avant la deuxième convocation, d’une convention de rupture. D’après le salarié, l’employeur, qui a une connaissance exacte et complète des faits imputables au salarié et qui choisit d’entrer dans un processus de rupture conventionnelle du contrat de travail, ne saurait, en cas d’échec des négociations, se prévaloir ensuite à son encontre d’une faute grave.
La Cour de cassation n’a pas suivi l’argumentation du salarié et a fait droit à celle de l’employeur : « la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire ; qu’il s’ensuit que si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l’employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un nouvel entretien préalable dans le respect des dispositions [relatives au délai de prescription de deux mois] et à prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave ; ».
Autrement dit, quand bien même l’employeur avait engagé une première procédure de licenciement à laquelle il avait renoncé pour signer une rupture conventionnelle, une deuxième procédure de licenciement – en raison de la rétractation par le salarié de sa convention de rupture – est autorisée si les délais de prescription sont respectés.
S’agissant précisément de ladite prescription, cette décision confirme que la première convocation à entretien préalable a fait recourir un nouveau délai de deux mois. Ce qui est conforme à la jurisprudence (notamment Cass. soc., 9 octobre 2001, 99-41217).
Ainsi, l’employeur disposait d’un nouveau délai de deux mois, à compter de la première convocation à entretien préalable, pour convoquer à nouveau le salarié à la suite de sa rétractation de la rupture conventionnelle. Si la convocation était intervenue au-delà, l’employeur se serait retrouvé dans la situation du premier arrêt commenté ; les faits auraient été prescrits et le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Romain PIETRI
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