TJ Paris, (ord. réf.), 25 mai 2022, FFT c/ SA Orange et a.
Alors que les Internationaux de France de tennis, qui se sont déroulés du 16 mai au 5 juin 2022 à Roland-Garros, battaient leur plein, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage de sites de streaming retransmettant illicitement les matchs du tournoi.
En effet, la Fédération Française de Tennis (FFT), l’organisateur officiel de Roland-Garros, avait constaté que de nombreux sites internet accessibles depuis la France métropolitaine et l’outre-mer diffusaient gratuitement, en streaming et en direct, les matchs du tournoi. Dès lors, la FFT, titulaire des droits d’exploitation du tournoi, a assigné en référé d’heure à heure, les principaux fournisseurs d’accès à internet pour empêcher l’accès à partir du territoire français aux 19 sites litigieux jusqu’au terme de Roland-Garros.
La FFT fondait ses demandes sur le nouvel article L333-10 du code du sport, issu de la loi du 25 octobre 2021. Cet article introduit un mécanisme de lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives qui permet à tout titulaire de droit de saisir le Président du Tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, afin d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser les atteintes graves et répétées à ses droits, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier, notamment par le blocage, le retrait ou le déréférencement immédiat du site.
En l’espèce, le juge des référés vérifie que les conditions de mise en œuvre de ce mécanisme sont bien remplies.
Il relève que les sites litigieux ont bien pour objectif principal la diffusion de compétitions sportives, notamment de tennis, sur une partie au moins desquelles la FFT jouit d’un droit exclusif d’exploitation audiovisuelle et qu’ils donnent accès à des données qui ne sont pas des correspondances privées, ce qui fait d’eux des services de communication au public en ligne.
Par ailleurs, le juge constate que bien que les sites visés soient en langue anglaise, « leur usage est néanmoins aisé pour les utilisateurs francophones du fait de la présence du nom des joueurs en compétition sur lesquels il suffit de cliquer pour accéder aux matchs disputés ».
Dès lors, le juge conclut que les sites portent des atteintes graves et répétées, au sens de l’article L.333-10 du code du sport, aux droits exclusifs de la FFT, au moyen de services dont l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions sportives.
Le juge des référés ordonne donc une mesure de blocage à l’encontre des sites litigieux et considère qu’il apparaît proportionné, compte tenu de l’urgence, et alors que le calendrier des matchs est connu de longue date, de laisser un délai aux fournisseurs d’accès de 2 jours maximum suivant la signification de la décision, pour mettre en œuvre cette mesure.
Il relève que, comme l’a entendu le législateur, les coûts des mesures de blocage devront être répartis entre le titulaire de droit et les fournisseurs d’accès, selon les modalités d’un accord qui devra être conclu sous l’égide de l’ARCOM.
Enfin le juge rappelle la nature dynamique des ordonnances prises sur le fondement du nouvel article L.333-10 du code du sport, puisqu’après la délivrance de l’ordonnance, pendant toute la durée des mesures, la FFT aura pu communiquer à l’ARCOM les données d’identification de tout site, diffusant illicitement les matchs, qui n’aurait pas encore été identifié à la date de l’ordonnance. L’ARCOM pourra alors enjoindre, aux fournisseurs d’accès concernés par l’ordonnance, d’empêcher l’accès à ces sites supplémentaires.
Lucile Tranchard Frayssinhes