Bien que la captation de concerts soit aujourd’hui fréquente, la protection des droits du producteur des images captées puis diffusées n’est pas toujours évidente.
Dans cette espèce, une société de production avait obtenu en exclusivité les droits de captation et de diffusion d’un festival de musique coproduit par le groupe de musique Noir Désir. Ce festival revêtait une importance particulière – c’était la première fois que Bertrand Cantat réapparaissait sur scène depuis la fin de son incarcération.
Grâce aux images captées lors du festival, la société avait réalisé un reportage, ultérieurement mis en ligne sur Dailymotion. Quelques mois plus tard, le producteur s’est aperçu que certaines images du reportage avaient été intégrées dans une rubrique de l’émission
« 50 Minutes Inside » et diffusées sur TF1. Cette dernière n’avait pas elle-même produit le reportage incriminé, mais en avait commandé la réalisation à une société de production tierce.
Plusieurs problématiques se posaient dans le cadre de ce litige, tant sur l’originalité du reportage initial, que sur la possibilité de formuler, au stade de l’appel seulement, une demande en indemnisation fondée sur une atteinte aux droits du producteur de vidéogrammes.
Sur la protection par le droit d’auteur du reportage, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’il ne pouvait en bénéficier, car, selon le critère habituellement retenu, il ne revêtait pas un caractère original en considération des choix banals des angles des prises de vues. La Cour a ainsi pris en compte plusieurs indices pour arriver à cette conclusion, dont notamment : le placement de plusieurs caméras dans la salle pour filmer la scène sous plusieurs angles, avec plusieurs focus ; le choix de filmer à partir de la fosse ; ou encore celui de filmer les réactions du public.
La Cour a cependant estimé que ces indices ne permettent pas de considérer le reportage comme étant une œuvre originale, empreinte d’un effort créatif de la part de ses auteurs. Elle a considéré au contraire que ce sont des pratiques usuelles dans le cadre de ce genre d’événement. Elle ajoute même que le fait que la piste sonore du reportage soit la musique du concert capté permet encore moins de manifester une personnalité singulière.
La Cour s’est ensuite penchée sur la demande en indemnisation sur le fondement d’une atteinte aux droits du producteur de vidéogramme. Il s’agissait de savoir si cette demande, en cause d’appel, devait être considérée comme une demande nouvelle au sens des règles de procédure civile.
En effet, l’effet dévolutif de l’appel empêche de formuler toute prétention ou demande nouvelle à ce stade. Le code de procédure civile prévoit cependant que ne sont pas des « prétentions nouvelles » celles qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au juge de première instance.
En l’espèce, la société de production avait présenté pour la première fois devant la Cour d’appel sa demande, à titre subsidiaire, de condamnation des sociétés intimées à l’indemniser du préjudice patrimonial subi du fait d’une atteinte à ses droits de producteur de vidéogramme.
Il convenait donc de vérifier si l’action en contrefaçon de droit d’auteur et celle en violation du droit voisin du producteur de vidéogramme tendaient aux mêmes fins.
La Cour juge que ces deux actions ne peuvent tendre aux mêmes fins alors que le préjudice qu’elles tendent à réparer est différent. En effet, l’action en contrefaçon de droits d’auteur répare les atteintes aux droits du producteur – créateur d’une œuvre originale alors que l’action en violation des droits voisins du producteur de vidéogramme permet de protéger les droits de ce dernier – investisseur financier.
La Cour ajoute que ces deux protections, et en conséquence ces deux actions, sont cumulables. Il s’agit de droits distincts. La deuxième demande ne peut donc pas être considérée comme l’accessoire, la conséquence ou le complément de la première demande, et la société de production doit donc être déclarée irrecevable à agir sur ce fondement, nouvellement soulevé en cause d’appel.
Camille BURKHART
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