CJUE 2ème Ch., 22 septembre 2016, Combit Sofware Gmbh c Commit Business Solutions Ltd
Malgré le caractère unitaire de la marque de l’Union Européenne, la Cour de justice vient de reconnaitre que des situations exceptionnelles peuvent permettre de limiter territorialement une mesure d’interdiction d’usage.
En l’espèce, une société allemande titulaire de marques allemandes et de l’Union Européenne « Combit » pour des produits et services dans le domaine de l’informatique s’est opposée à une société israélienne qui commercialisait via son site internet dans plusieurs pays dont l’Allemagne des logiciels sous la dénomination « Commit ». Devant les juridictions allemandes, et sur le fondement de sa marque de l’Union Européenne, la société allemande demandait à titre principal, qu’il soit ordonné à la société Commit de cesser l’usage du signe « Commit » pour des logiciels en raison du risque de confusion avec sa marque et, formait à titre subsidiaire, une demande identique limitée à l’Allemagne sur le fondement de sa marque allemande.
La juridiction allemande fait droit à la demande subsidiaire mais rejette la demande principale. La société allemande interjette appel. Les juges allemands du second degré vont conclure que l’usage du signe « Commit » est de nature à créer un risque de confusion avec la marque « Combit » mais uniquement dans l’esprit d’un public germanophone ; un tel risque n’existant pas pour un public anglophone malgré la similitude phonétique, en raison des différences conceptuelles entre ces deux termes en anglais.
S’interrogeant sur les conséquences de l’effet unitaire de la marque de l’Union Européenne, la juridiction va surseoir à statuer et poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne sur le point de savoir si le constat de l’existence d’un risque de confusion limité à une partie du territoire et de l’absence de risque de confusion sur une autre partie du territoire peut entrainer une violation du droit exclusif conféré par cette marque et permettre qu’une mesure de cessation d’usage soit ordonnée pour l’ensemble du territoire de l’Union.
La Cour de justice rappelle que dans le cadre d’une opposition, l’existence d’un risque de confusion sur une partie du territoire de l’Union suffit pour faire droit à l’opposition. Dès lors, une solution identique doit être appliquée s’agissant d’une mesure d’interdiction d’un signe au sein de l’Union. L’existence d’un risque de confusion sur une partie du territoire de l’Union, en l’espèce la partie germanophone, suffit pour conclure à l’existence d’une violation du droit exclusif conféré par la marque. Toutefois, selon la Cour de justice, la portée territoriale de l’interdiction peut être limitée, exceptionnellement, dès lors que le tribunal des marques de l’Union Européenne constaterait que l’usage du signe similaire n’entraine aucun risque de confusion sur une autre partie du territoire et donc une absence d’atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque. La Cour précise que l’absence d’atteinte aux fonctions de la marque doit être clairement constatée après examen de tous les facteurs pertinents parmi lesquels une comparaison visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit. Enfin, la Cour donne une indication pratique s’agissant de la mention d’exclusion d’une partie du territoire laquelle devra viser de manière complète les zones à exclure.
Florence DAUVERGNE
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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.
Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.
La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».
Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.
En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe n’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.
L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».
La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe , avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».
La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.
Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.
La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.
Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.
Antoine JACQUEMART