TGI Paris, 3ème Ch., 2ème section, 28 juin 2019
Par un jugement du 28 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris estime que CDiscount est hébergeur des annonces mises en ligne sur sa marketplace par des vendeurs tiers, et bénéficie en conséquence du régime d’exonération de responsabilité civile visé à l’article 6-I de la loi du 21 juin 2004 (loi dite « LCEN »).
En l’espèce, un fabricant d’articles de bagagerie a découvert courant 2016 que plusieurs sociétés proposaient à la vente par l’intermédiaire du site internet www.cdiscount.com différents modèles de sacs présentés sous sa marque. Indiquant être dans l’impossibilité de contacter directement les différents vendeurs de sacs argués de contrefaçon, elle a adressé à CDiscount plusieurs mis en demeure, avant de l’assigner devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des règles relatives au droit des marques et la concurrence déloyale.
En l’espèce, il était demandé au Tribunal de déterminer si CDiscount devait être considéré comme hébergeur ou éditeur de ces contenus, cette société pouvant dans le premier cas bénéficier du régime d’exonération de responsabilité des hébergeurs défini à l’article 6-I de la LCEN, qui énonce que « les personnes physiques ou morales qui assurent (…) le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».
La société demanderesse soutenait que CDiscount « intervient de manière active sur les annonces, la communication, la promotion, le stockage et la distribution des produits vendus sur sa « marketplace » par les vendeurs tiers », et contestait ainsi qu’elle puisse être considérée comme un hébergeur bénéficiant du régime de l’exonération de responsabilité prévu à l’article 6-I de la LCEN. Subsidiairement, le demandeur soutenait que Cdiscount n’aurait pas agi promptement pour rendre l’accès impossible aux liens litigieux, et que sa responsabilité devait à ce titre être engagée.
En réponse, la défenderesse indiquait qu’elle devait être qualifiée d’hébergeur de ces contenus publiés par des vendeurs tiers, auxquels elle soutenait ne fournir que « des prestations techniques, automatiques et neutres, identiques pour tous les vendeurs », sans influer « sur le contenu des annonces ou sur l’exploitation de ce contenu ». Ces prestations incluaient notamment la possibilité de rechercher les produits grâce à des mots clés, l’existence d’un espace personnalisé pour les vendeurs, la notation des vendeurs, l’affichage automatique d’un message en cas d’indisponibilité d’un produit, et des outils de gestion et de promotion. En contrepartie de ces services, la défenderesse indiquait percevoir une commission sur les ventes, lui permettant ainsi de se rémunérer.
Par ce jugement du 28 juin 2019, le tribunal estime que CDiscount a la qualité d’hébergeur des annonces publiées par des vendeurs tiers. Selon le tribunal, la défenderesse « n’apparaît pas intervenir de manière active dans le contenu des annonces publiées sur sa « marketplace » » notamment parce que :
– le tribunal estime que (i) CDiscount n’intervient pas dans la rédaction des annonces des vendeurs tiers et n’est pas partie au contrat de vente qui se noue entre le vendeur professionnel et l’acheteur, et que (ii) la mention « Vendeur pro sélectionné par Cdiscount » signifie seulement que le vendeur a approuvé les CGV « sans que cela donne lieu à une connaissance active par la plateforme de la nature des produits commercialisés par chaque vendeur » ;
– Les fonctionnalités et prestations sont automatisées et indépendantes du contenu des annonces.
Le tribunal estime ainsi que le demandeur ne démontre pas « l’existence d’un rôle actif impliquant des choix éditoriaux de la part de Cdiscount et plus largement la connaissance ou le contrôle des contenus litigieux », et juge que les fonctionnalités offertes par la défenderesse constituent « des opérations techniques qui participent de l’essence du prestataire d’hébergement ».
Faisant application du régime d’exonération de responsabilité énoncé à l’article 6-I de la LCEN, le tribunal estime que la responsabilité de CDiscount ne peut par conséquent pas être engagée pour ces annonces publiées par des vendeurs tiers. Le tribunal rejette également la demande subsidiaire, en considérant que la défenderesse avait bien réagi promptement pour retirer ou rendre l’accès impossible aux contenus litigieux.