Le CSA a publié, le 9 janvier 2013, le bilan de la concertation sur les programmes dits de « réalité scénarisée », organisée du 19 novembre au 20 décembre 2012, et réunissant notamment les éditeurs de service de télévision, les représentants des producteurs audiovisuels, des auteurs, des sociétés de production et du CNC.
Cette concertation est née du constat du développement croissant des programmes de « réalité scénarisée » ou « scripted reality » depuis 2011 en France. Les éditeurs de service de télévision ont en effet largement investi dans ces programmes à faible budget de production, mettant en scène des faits divers ou des scènes de vie ordinaire, produits en un temps très bref et rencontrant un réel succès auprès du public.
Les auditions menées par le CSA portaient notamment sur la qualification de ces programmes en œuvre de fiction. Les éditeurs souhaitaient que ces programmes soient qualifiés d’œuvres de fiction par le CSA afin qu’ils soient pris en compte dans leurs obligations réglementaires de diffusion et de production d’œuvres audiovisuelles. Le CSA rappelle à ce titre que « conformément aux décrets n° 2010-416 du 27 avril 2010 et n° 2010-747 du 2 juillet 2010, les chaînes hertziennes (non musicales) doivent investir un minimum de 12,5% de leur chiffre d’affaires de l’année précédente en faveur des œuvres patrimoniales, lorsque leur contribution leur est entièrement consacrée, et 10,5%, lorsque leur contribution globale atteint 15% du chiffre d’affaires ».
La qualification de fiction soulevait néanmoins une certaine difficulté en raison du caractère hybride des formats de « scripted reality ». En effet, le CSA explique que « leur forme emprunte au reportage pour leur mode de narration et au magazine pour leur caractère testimonial » et qu’ « à l’instar des œuvres de fiction », « ils recourent également à la scénarisation et à l’interprétation ». Le CSA ajoute que « d’un point de vue technique, ils empruntent aux émissions de flux leurs conditions de production avec une organisation industrielle destinée à réduire leur coût et leur délai de fabrication ».
Confronté à la même interrogation, le CNC a pour sa part refusé la qualification de fiction, de sorte que les acteurs de la production ne pourront pas bénéficier du compte de soutien à l’industrie des programmes (COSIP).
Le CSA adopte une position plus nuancée puisqu’il ne refuse pas de manière systématique la qualification de fiction dans la mesure où ces programmes recourent le plus souvent à une scénarisation, une réalisation et une interprétation.
Le Conseil procèdera donc à un examen au cas par cas, selon une grille d’analyse, à caractère purement indicatif, reposant essentiellement sur la preuve de la présence d’auteurs. En ce sens, le CSA précise qu’ « est indispensable [à la qualification d’œuvre de fiction] la présence d’auteur (scénario et réalisation) et d’artiste-interprètes, disposant de contrats avec le producteur les désignant comme tels et mentionnés en ces qualités au générique ».
En pratique, le CSA prendra en considération l’écriture d’une bible, d’un synopsis, et surtout d’un scénario, sera également vigilant sur la présence d’un réalisateur ainsi que sur ses missions, tout en gardant à l’esprit que « l’organisation industrielle des productions relativise certaines notions traditionnelles telles que le temps de présence du réalisateur ». Le CSA prendra également en compte la présence d’acteurs incarnant les personnages d’un scénario, la preuve de leur qualité d’artiste interprète et celle du respect de la convention collective des artistes interprètes s’agissant de leur mode de rémunération. Enfin, le CSA sera sensible au montant de la rémunération des auteurs et des artistes interprètes.
Si la position du CSA invite au développement de la production et de la création audiovisuelle et vise à assurer la qualité des programmes, certains regrettent qu’il ne se soit pas saisi de l’occasion pour élaborer des critères stricts de l’œuvre de fiction.
Saskia BOUROVITCH