Constitue un acte de concurrence déloyale la demande de suppression d’un référencement alors qu’il constitue une alternative aux services désignés à la marque

CA Paris, Pôle 5, 1ère Ch., 1er février 2012

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon constitue une décision sans précédent en matière de référencement depuis les arrêts de la CJUE du 23 mars 2010 et du 22 septembre 2011.

En effet, si les magistrats français ont eu, à plusieurs reprises, à mettre en œuvre les principes énoncés par la CJUE concernant l’usage par un tiers d’une marque en tant que mot-clé dans le cadre d’une action intentée par un titulaire de marque, la solution rendue est inédite en ce qu’elle condamne un titulaire de marque pour avoir demandé la suppression d’un mot-clé similaire à sa marque.

Pour mémoire, selon la CJUE, le titulaire de la marque est fondé à interdire l’usage sans autorisation de sa marque à des fins publicitaires en tant que mot-clé, lorsque cette publicité ne permet pas, ou permet seulement difficilement, à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si lesdits produits proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liées à celui-ci ou au contraire, d’un tiers.

 

En l’espèce, la société Sogelink, titulaire de la marque « DICT.fr » s’était opposée avec succès à l’enregistrement de la marque « e-DITC ». Le déposant, la société SIG-Image, dont la demande de marque avait été rejetée, l’assigne en nullité de sa marque pour défaut de caractère distinctif, « DITC » étant l’acronyme de « Déclaration d’Intention de Commencement de Travaux ».

Le tribunal accueille l’action en nullité de la société SIG-Image.

En appel, la cour réforme le jugement et retient après examen des pièces présentées par le titulaire que la marque a acquis un caractère distinctif par l’usage. La cour relève ainsi que la fonction essentielle d’identification d’origine est bien remplie par le signe ainsi que les fonctions de communication et d’investissement.

Le grief de contrefaçon soutenu par le titulaire de la marque est néanmoins rejeté aux motifs que l’usage contesté du nom de domaine « ditcservices.fr » par la société SIG-Image diffère de la marque dont la contrefaçon est prétendue. La cour relève en effet la coexistence de signes très proches comportant l’acronyme, permettant aux intervenants concurrents d’utiliser le terme descriptif « DICT » pour proposer leurs services sur internet.

Le titulaire de la marque est également débouté de son action en concurrence déloyale, aucune faute ne pouvant résulter du simple usage d’un signe proche des signes distinctifs de la société Sogelink, dès lors que l’élément commun est descriptif de l’activité et que l’existence d’un risque de confusion n’est pas démontrée.

En revanche, et c’est là que réside la nouveauté, la cour condamne le titulaire de la marque pour avoir demandé à Google la suppression du mot clé et le déréférencement de son concurrent en faisant valoir que le mot clé utilisé était constitué de sa marque.

La cour relève que la condition édictée par la CJUE relative au fait que la publicité ne permettait pas d’identifier l’origine de la proposition, n’est pas remplie.

Dès lors, pour la cour, constitue une faute, le fait pour un titulaire de marque d’avoir fait supprimer un référencement affiché à partir d’un mot clé correspondant à une marque alors qu’il constitue une alternative aux services du titulaire sans porter atteinte aux fonctions de ladite marque.

La cour relève qu’au regard des décisions majoritairement retenues par les juges du fond, il a pu être considéré pendant un certain temps que le titulaire de la marque disposait d’un tel droit.

Néanmoins, selon la cour, ce comportement constitue un acte de concurrence déloyale consistant à priver la société SIG-Image d’une chance de proposer son service à des internautes connaissant déjà le service DICT.fr, le comportement du titulaire de la marque ayant eu pour effet d’exclure la société SIG-Image d’un moyen « commode et licite d’accès à une clientèle spécialisée et donc de générer un chiffre d’affaires important ».

La Cour d’appel de Lyon fait ainsi directement référence à l’arrêt rendue par la CJUE dans l’affaire « Interflora », où était toutefois examinée la protection conférée par une marque de renommée, et tire les conséquences du principe de libre concurrence dès lors que la publicité affichée sur internet à partir d’un mot clé correspondant à une marque, proposerait une alternative aux produits ou services du titulaire de la marque.

Florence DAUVERGNE