De la compensation des retours avec les ventes facturées
Dans le milieu de la distribution de biens culturels (livres, disques, vidéo), il est d’usage d’accepter les retours et donc, pour les distributeurs, d’appliquer des provisions pour retours dans leurs relations avec les éditeurs.
Cette pratique conduit naturellement à donner aux facturations et avoirs un caractère provisoire, qui ne manque pas de poser problème en cas de dépôt de bilan de l’un des maillons de la chaine.
En l’espèce, la Cour d’appel de Paris a eu à connaitre d’un contentieux opposant une banque, cessionnaire de la facture émise par un éditeur de vidéo, quelques mois avant son dépôt de bilan, à son distributeur ; conformément au contrat de distribution, cette facture correspondait aux ventes comptabilisées d’un mois diminuées d’une provision pour retour de 15%.
En l’espèce, la banque, qui avait notifié la cession de créances au distributeur s’est retournée contre lui afin d’obtenir le paiement de la créance cédée. Le distributeur a opposé les avoirs, datés du même jour que la facture, tenant compte d’un taux de retour provisionnel porté de 15% à 75%, compte tenu du taux de retour d’invendus constaté au cours des précédents mois.
Le tribunal constatant que ces avoirs avaient été en réalité établis trois mois plus tard avait condamné le distributeur au paiement du montant de la facture cédée.
En appel, la Cour retient que si le client de la banque ne peut, sans son accord, modifier l’étendue des droits attachés aux créances représentées par le bordereau, le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire la compensation de sa dette avec celle, connexe, qui résulte de l’inexécution des obligations contractées à son égard par le cédant, « peu important que la créance invoquée par le débiteur cédé ne soit née que postérieurement à la cession et même à sa notification ».
En l’espèce les créances réciproques relèvent d’un ensemble contractuel unique aux termes duquel le chiffre d’affaires reversé par le distributeur à l’éditeur vidéo se calcule déduction faite des avoirs accordés sur les retours client. L’émission d’un avoir correspondant à un surplus de retours par rapport à la provision pratiquée ne constitue donc pas une modification qui serait inopposable à la banque mais une exacte application du contrat de distribution.
La Cour condamne toutefois le distributeur au paiement d’une partie de la créance après avoir constaté que l’avoir établi prenait en compte le chiffre d’affaires des mois suivants celui dont la cession avait été consentie à la banque, ceci conduisant à modifier la créance cédée qui portait sur le chiffre d’affaires net du mois.
L’on retiendra donc que si la compensation entre créances connexes est admise même pour les créances postérieures, sans exiger qu’elles soient certaines, liquides et exigibles, la cession de créance professionnelle à une banque, même en l’absence d’acceptation, peut limiter la faculté de compensation entre ventes et retours.
Eric LAUVAUX