De la difficile preuve de l’usage sérieux
Les contours de la notion d’usage sérieux n’en finissent pas d’être précisés par la jurisprudence tant française que communautaire. Après les décisions relatives aux actes qui ne répondent pas à la notion d’usage sérieux, la CJUE redéfinit la notion d’usage de marque sous une forme modifiée.
L’usage sérieux suppose une utilisation réelle de la marque sur le marché concerné aux fins d’identifier les produits ou services. Autrement dit, l’usage sérieux s’entend d’un usage « constant, stable et réel » du signe dans sa fonction de marque. Ainsi ne constitue pas un usage sérieux de la marque :
– l’utilisation d’une marque durant des manifestations purement privées ou pour annoncer ou promouvoir celles-ci.
– l’apposition de la marque sur des objets offerts gratuitement aux acquéreurs d’autres produits.
– les actes préparatoires internes ou auprès de prestataires de services ou de sous-traitants. Deux des décisions commentées reviennent sur cette notion d’actes préparatoires pour en rejeter la capacité à démontrer l’usage de la marque.
Dans la première espèce (CA Paris, Pôle 5, 2ème Ch., 1er mars 2013), la Cour d’appel a jugé que les documents internes entre sociétés (en l’espèce une société française et sa centrale d’achat) consistant notamment dans des ordres de commandes, sont insuffisants à établir un lien entre les produits prétendument recouverts de la marque et le consommateur français et par conséquent n’établissent pas que les produits objets de ces commandes étaient effectivement revêtus du signe déposé en tant que marque.
Dans la seconde espèce (Cass. Com., 19 mars 2013), concernant le lancement de produits de parfumerie sous la marque arguée de déchéance, le titulaire de la marque faisait valoir que les actes préparatoires effectués avant la demande de déchéance devaient être pris en considération pour apprécier le caractère sérieux de l’usage dès lors qu’ils aboutissaient à une mise sur le marché effective et imminente. La cour rejette le pourvoi et confirme l’arrêt d’appel qui avait jugé que les actes présentés comme constitutifs d’actes d’usage doivent être effectués vers l’extérieur ou publiquement à l’occasion d’une offre effective de vente des produits marqués, ce qui exclut les actes simplement internes, accomplis à l’intérieur d’une entreprise ou en direction d’un réseau de distribution contrôlé par le titulaire de la marque.
Par ailleurs, depuis l’arrêt de la CJUE du 25 octobre 2012 « Rintish » (cf. Netcom Novembre 2012), il a été reconnu que le titulaire d’une marque peut justifier de l’usage de sa marque par l’exploitation d’une marque voisine enregistrée dès lors qu’elle n’en diffère que par des éléments qui n’en n’altèrent pas le caractère distinctif.
Dans la droite ligne de cette décision, les juges communautaires sont venus préciser (CJUE 18 avril 2013) que l’usage sérieux d’une marque peut être démontré alors que la marque en cause n’est utilisée que conjointement avec une autre marque et que le public considère les deux marques comme des signes distinctifs indépendants et ce bien que la combinaison des deux marques soit enregistrée en tant que marque complexe.
Cette décision prend le contrepied de l’arrêt précité rendu par la cour d’appel (1ère espèce) dans lequel la Cour a jugé qu’en déposant plusieurs marques, verbales et semi figuratives, le titulaire a voulu les distinguer de telle sorte que l’exploitation de la marque semi-figurative ne saurait constituer la preuve de l’exploitation des marques verbales dont l’usage sérieux n’est pas démontré. Au contraire, comme le souligne la CJUE, la condition d’usage sérieux peut être remplie, lorsqu’une marque enregistrée a acquis son caractère distinctif par suite de l’usage d’une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, ou lorsqu’elle n’est utilisée que par l’intermédiaire de cette autre marque complexe, la combinaison de ces deux marques étant, de surcroit, elle-même enregistrée comme marque.
Enfin, peu importe la date des documents présentés pour justifier de l’usage sur la période pertinente. La Cour de cassation (Ch. Com, 19 mars 2013, SMSTIC) a ainsi rappelé, à juste titre, que les juges du fond doivent rechercher si les éléments produits la première fois en cause d’appel et postérieurs à la date de l’action en contrefaçon, ne justifiaient pas d’un usage sérieux de marque plus de trois mois avant la présentation de la demande en déchéance.
Florence DAUVERGNE
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