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TJ Paris, 1er juillet 2021, n°20/03225

Le format d’une œuvre audiovisuelle est un document écrit comprenant la description d’un ensemble de caractéristiques de l’œuvre, déterminées avant son tournage, par exemple les règles d’un jeu télévisé, la description du plateau, la durée de l’œuvre, ou encore la description de son générique.

La jurisprudence a pu reconnaitre au format d’une œuvre audiovisuelle une protection au titre du droit d’auteur à condition qu’il porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, et peut également en sanctionner la reprise par un tiers sur le fondement du parasitisme.

En l’espèce, la société demanderesse est une agence de communication et un média en ligne publiant divers contenus vidéos sur les réseaux sociaux et sur son site internet. Depuis 2015, elle a développé un concept d’interview vidéo intitulé « Fast & Curious » « durant laquelle une personnalité répond de manière rapide à une série de questions consistant en un choix entre deux propositions simples ».

Le défendeur, candidat à l’élection à la mairie de la ville de Cabourg, a publié en janvier 2020 sur la page Facebook officielle de sa campagne, une vidéo intitulée « Fast & Cabourg », reprenant d’après la demanderesse, l’ensemble des éléments caractéristiques du format d’interview « Fast & Curious ».

La demanderesse a donc assigné au visa de l’article 1240 du code civil afin d’obtenir réparation de son préjudice financier à hauteur de 200.000 euros, invoquant le comportement parasitaire du défendeur.

La demanderesse soutient détenir un droit de propriété sur ce format, que le défendeur se serait indûment approprié en bénéficiant de ses investissements, aux fins de promotion de sa campagne électorale. Il était reproché au défendeur de reproduire à l’identique l’ensemble des caractéristiques du format « Fast & Curious » à savoir : « des questions sous forme de choix binaires, sur un rythme très rapide, donné à la fois par l’identité visuelle de l’interview mais aussi le choix de la musique ».

En réponse, le défendeur soutenait que le concept d’interview présenté par la demanderesse ne saurait être susceptible de protection, étant dénué d’originalité et s’inspirant de concepts d’interviews appartenant à un fonds commun.

Le défendeur faisait valoir que les conditions pour caractériser des faits de parasitisme n’étaient pas remplies, le défendeur n’étant pas en situation de concurrence vis-à-vis du demandeur et ne poursuivant aucun but lucratif en publiant la vidéo litigieuse. Il invoquait également l’exception de parodie, sa vidéo se voulant être un hommage au concept d’interview du demandeur. Il soutenait enfin qu’une condamnation porterait nécessairement une atteinte disproportionnée à sa liberté d’expression, sa vidéo s’inscrivant dans le contexte de sa campagne électorale.  

Le tribunal rappelle tout d’abord que le parasitisme peut être constitué, même en l’absence de toute situation de concurrence, et considère que le défendeur peut être qualifié d’opérateur économique même s’il n’exerce pas d’activité commerciale.

Concernant le format de l’interview « Fast & Curious », le tribunal relève que si le demandeur décrivait précisément le contenu et les caractéristiques du format, « au-delà de cette description, la société n’offre pas en revanche de caractériser l’empreinte de la personnalité de son auteur des formats en litige de sorte que ces derniers ne peuvent recevoir ici aucune protection par le droit d’auteur, la société ne formulant en tout état de cause aucun grief de contrefaçon ».

Pour autant, le défaut de protection au titre du droit d’auteur n’exclut pas la caractérisation de faits de parasitisme. Le tribunal constate ainsi que la vidéo litigieuse reproduit toutes les caractéristiques du format du demandeur.

Dès lors, le tribunal conclut que le défendeur a eu un comportement fautif en s’appropriant de manière indue les efforts créatifs du demandeur et en s’épargnant ainsi des coûts et des investissements pour la promotion de sa campagne électorale. Le parasitisme était donc constitué en l’espèce.

L’exception de parodie avancée par le défendeur est également rejetée. Le tribunal, appliquant les critères d’interprétation dégagés par la Cour européenne, estime que l’absence de différence perceptible entre le format du demandeur et la vidéo du défendeur, ainsi que le défaut de ton humoristique de la vidéo, ne peuvent lui permettre de bénéficier de l’exception de parodie.

Enfin le tribunal rejette également la violation invoquée de l’article 10 de la Convention EDH, jugeant que le message délivré au sein de la vidéo ne relevait pas d’un débat d’intérêt général, et ne véhiculait pas un message de nature politique, compte-tenu de la nature des questions posées et des réponses ayant pour but de promouvoir une candidature aux municipales.

Le tribunal judiciaire de Paris condamne donc le défendeur à 15.000 euros en réparation du préjudice moral subi résultant des faits de parasitisme.

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