De l’impact des indications de provenance géographique sur l’enregistrement des marques
CA Paris, Pôle 5 – Ch. 2, 17 décembre 2021
En l’espèce, une société demandait l’enregistrement de la marque française « NORMINDIA » pour les boissons alcoolisées (classe 33).
Le Directeur de l’INPI rejette la demande d’enregistrement en invoquant trois règlements européens respectivement pour les boissons spiritueuses, pour les produits alimentaires et pour les produits de la vigne, lesquels contiennent des restrictions à l’enregistrement d’une marque lorsqu’elle concerne des produits de même type que ceux pour lesquels une appellation d’origine protégée (AOP) ou une indication géographique protégée (IGP) a été enregistrée.
En effet, en vertu de ces règlements, les boissons « Eau-de-vie de Normandie », « Eau-de-vie de poiré de Normandie », « Pommeau de Normandie », « Cidre de Normandie » et « Cidre Normand » bénéficient d’une IGP.
Le signe NORMINDIA pour des boissons alcoolisées est jugé fortement évocateur de la Normandie, région à laquelle se réfèrent les IGP antérieures « Cidre de Normandie », « Cidre Normand », « Eau-de-vie de Normandie », « Eau-de-vie de poiré de Normandie » et « Pommeau de Normandie ». Le Directeur de l’INPI relève d’une part que les « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », produits visés par la marque litigieuse, incluent les eaux-de-vie, pommeau et cidres bénéficiant des IGP. D’autre part, il existe une forte similitude, tant visuelle et phonétique qu’intellectuelle du signe « NORMINDIA » avec la Normandie, ce qui constitue une imitation ou à tout le moins une évocation de cette région française à laquelle se réfèrent les IGP qui contiennent ce terme.
Le signe NORMINDIA est également jugé de nature à tromper le public sur la provenance géographique des produits au sens de l’article L. 711-3 du CPI dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, alors qu’il peut être appliqué à des produits d’une toute autre provenance géographique que la Normandie.
Le demandeur à l’enregistrement forme un recours devant la Cour d’appel de Paris contre la décision du directeur de l’INPI qui est rejeté.
Les motifs absolus ou relatifs de nullité des marques sont respectivement énoncés aux articles L. 711 et L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dans leur rédaction issue de l’ordonnance no 2019-1169 du 13 novembre 2019, transposant en droit interne la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques.
Si les conditions énoncées ne sont pas remplies, l’enregistrement doit être refusé et s’il ne l’a pas été, la marque doit être annulée.
En l’espèce, bien que le rejet de l’enregistrement de la marque ait été rendu sous l’empire des anciennes dispositions avant la transposition de la directive, la solution demeure applicable.
En effet, l’article L.711-2 9°) du CPI prévoit maintenant spécifiquement, que ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle, une marque exclue de l’enregistrement en vertu de la législation nationale, du droit de l’Union européenne ou d’accords internationaux auxquels la France ou l’Union sont parties, qui prévoient la protection des appellations d’origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties.
Cette affaire rappelle la nécessité de l’analyse préalable au dépôt sur le caractère distinctif du signe et sur la disponibilité de celui-ci y compris au regard des AOP et IGP.